Harry Raven, éleveur au Mont des Brumes (Stoumont)
Harry Raven, éleveur au Mont des Brumes (Stoumont) © Sebastien Nunes

Bien-être animal : « Créer des abattoirs de proximité, c’est essentiel »

Un petit élevage de veaux, du côté de Stoumont. Bienvenue à la ferme du Mont des Brumes, chez Harry Raven. Un virus chopé chez son grand-père, et un objectif en tête : un abattoir à la ferme. Halte-là, il ne pourra pas, question de règlementation. Son projet avait pourtant du sens, tant sur le plan du circuit court que de la recherche d’un meilleur bien-être animal.   

Yves Raisiere, rédacteur | yrai@tchak.be
Sébastien Nunes, photographe | sebastien@spectrumsolutions.be

Harry Raven n’a que 32 ans, mais il sait de quoi il cause : le virus de l’élevage l’a choppé dès son enfance. Un grand-père qui lui a communiqué l’amour des bêtes, une passion qui lui a permis d’accrocher son propre élevage à flanc de colline, sur les hauteurs de Stoumont. Une volonté à toute épreuve aussi, et un objectif : créer un abattoir à la ferme pour éviter tout stress à ses animaux. Le couperet est tombé en novembre dernier : son projet ne pourra pas voir le jour. Coup de massue, remise en question et nouveau projet en gestation. Mais il n’oublie pas son idée d’abattoir de proximité. « C’est essentiel », s’exclame-t-il. Interview.     

Harry Raven, quelques mots, d’abord, pour camper votre exploitation… 

On est en élevage bio. On travaille avec 90 bovins en moyenne sur l’année. Des limousines et leurs veaux. Ces veaux vivent à l’étable et sont abattus après six mois. On veille à ce qu’ils soient au calme, à ce qu’ils aient une vraie relation avec leur mère au moment de la tétée, deux fois par jour. A côté de ça, on a aussi un élevage de quelques 200 poulets de chair, des poules pondeuses et du maraichage sur 1500 mètres carrés. Mais là, c’est mon frère qui s’en occupe.  

+++ Soirée spéciale aux Grignoux sur cette thématique, le mercredi 16 septembre, avec la projection de « Nous la mangerons », en présence de la réalisatrice.

Un mot, aussi, sur votre parcours… 

J’habite dans le coin depuis que j’ai trois ans, et je vais en avoir 32. Cette exploitation, c’est grâce à mon grand-père. Il avait une ferme et, petit, j’ai toujours été dans ses traces. Je me levais super tôt pour le suivre. C’était plus fort que moi, il fallait que je le rejoigne. Je finissais la traite, je soignais les animaux… Il m’a communiqué son amour du métier. Et une fois pris, ça ne vous quitte jamais. 

Votre objectif, c’était donc de faire un abattoir à la ferme…

Oui, on avait pensé faire l’abattoir dans la partie gauche de notre exploitation. Elle était tout à fait ré-aménageable et d’une surface suffisante, d’autant que cela aurait été uniquement pour abattre nos animaux. Peut-être deux ou trois tous les 10-15 jours, un rythme qui correspond à la taille de notre exploitation. 

Pourquoi vouloir un abattoir à la ferme ? 

Au départ, les bovins, c’est la production la plus facile à faire abattre, dans le sens où nous avons deux outils à disposition dans la région : Aubel et Saint-Vith. Le problème, c’est que ces établissements ne sont pas adaptés aux animaux de petite taille. Les couloirs sont trop larges. Comme les veaux savent faire demi-tour, les ouvriers sont obligés de les chasser. Tout ça amène un stress supplémentaire. Même chose au niveau des box de contention : il y a trop de débattement. Cela veut dire que les veaux peuvent bouger, et donc que c’est moins facile de placer le matador (NDLR : pistolet d’abattage). Un gros animal, il rentre dedans, et puis paf. 

Ce serait possible d’adapter des lignes d’abattage aux animaux de petite taille ? 

Le problème, c’est que ces abattoirs ne veulent pas investir. Les veaux sont loin d’être leur produit principal. Les animaux commercialisés par l’abattoir passent devant les autres. Résultat ? Après les avoir déchargés, mes animaux passent souvent plusieurs heures à attendre leur tour, dans une ambiance avec des cris et de l’anxiété.  

Le transport impacte également le bien-être des animaux…

Il amène énormément d’agitation chez les animaux. Hier, je chargeais des vieilles vaches. Elles ont chacune leur caractère. Vous n’imaginez pas comme elles sont malignes. Certaines ne voulaient pas monter dans la remorque. En fait, dès qu’il n’est plus dans son environnement, l’animal devient nerveux. Autre exemple : une fois sur trois, je peux emmener deux veaux en même temps à l’abattoir. Là, c’est top parce qu’ils sont deux dans la bétaillère et qu’ils se connaissent. Mais deux fois sur trois, ils sont seuls. Et un animal seul devient rapidement nerveux, parce que jusque-là, il vivait avec d’autres, compact, en groupe. Surtout cette race-là, les limousines, elles sont plus craintives, elles doivent être minimum deux à la fois. 

Abattage à la Ferme: qu’est-ce qu’on attend ?

Est-il possible de développer l’abattage à la ferme pour les gros animaux d’élevage en Wallonie ? Cette question, Nature et Progrès (*) se l’est posée depuis 2015. Son tour de table a rassemblé consommateurs, éleveurs, vétérinaires et professionnels de la sécurité alimentaire. Une certitude en conclusion….

« Nous demandons un changement rapide de législation, résume Marc Fichers, secrétaire général de l’association. L’abattage à la ferme est une évidence, notamment en matière de bien-être animal. Plus on évite le transport, moins les bêtes sont stressées. »

C’est d’autant plus vrai que de plus en plus d’éleveurs se tournent vers des races bovines françaises. « Et qui dit races françaises dit bêtes un peu moins dociles, avec souvent des grandes cornes, observe Marc Fichers. Elles se prêtent donc moins facilement au transport, et les abattoirs existants ne sont pas adaptés pour les recevoir. Je connais des éleveurs dont les bêtes sont abattues sur le parking de l’abattoir parce qu’elles ne savent pas y entrer. »

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