Il y a le terrorisme, il y a de possibles crimes de guerre, il y a d’éventuels génocides. Il y a de la rage, un déferlement de haine et des peuples en perdition. Des chaînes d’infos qui promettent le pire ; des fake news qui électrisent ; des réseaux sociaux qui clivent. Des polémiques sur les mots ; des injonctions sur les expressions. Des sommations sur ce qu’on a le droit de penser ou de ressentir. Et même des interdictions de (trop) manifester.
Il y a eu tout ça ces dernières semaines. Et puis, en ce début d’hiver où brillent décidément peu de raisons d’espérer, il y a également la publication de notre 16° numéro. Il raconte, lui, la paysannerie, l’agroécologie et le circuit court. Un paradoxe éditorial à l’heure où deux guerres bousculent la géopolitique, l’analyse systémique et l’opinion. Comment s’en expliquer ? Autant l’avouer simplement : chez Tchak, on se sent impuissants face à cette dérive des continents.
Des plaines de l’Ukraine à celles de la Bande de Gaza en passant par la Cisjordanie ou la région d’Otef Azza (territoire israélien transfrontalier avec la Bande), les agriculteurs et les agricultrices font pourtant partie des premières victimes de ces deux conflits.
Menaces physiques, arrêts de la production, annexions de terres agricoles, vols de récoltes, confiscations de matériel, abattages d’arbres, pollutions des champs par des mines, des fragments d’obus et leurs métaux lourds, épandages arbitraires de pesticides … La dévastation de leur écosystème fait peser une menace sur leurs moyens de subsistance et sur l’autonomie alimentaire des populations qui en dépendent, parfois à des milliers de kilomètres.
Selon certains experts, près d’un tiers des cultures ukrainiennes pourraient ainsi être inexploitables après la guerre. L’ONU pointe même « un héritage toxique pour les générations à venir ». Situation similaire dans la Bande de Gaza, où se focalise la riposte israélienne suite aux massacres commis le 7 octobre par le Hamas. Et dans la région d’Otef Azza, un des greniers agricoles d’Israël, la crainte est grande de voir s’évanouir la main-d’œuvre étrangère, visée elle aussi par les violences et les enlèvements.
Comment cultiver sur pareils champs de bataille ? Un second paradoxe qui, à ce stade, en l’absence de toute ébauche de plan, laisse tout autant désarmé. Voilà pourquoi nous n’avons pas réussi à bousculer notre sommaire.
Reste ceci : chez Tchak, depuis le départ, nous vous expliquons justement pourquoi la terre est un puissant levier pour se reconnecter aux autres et au monde. Ce numéro l’illustre encore. Puissent les suivants témoigner un jour de l’introduction de nouvelles cultures de paix.
Yves Raisiere, journaliste
Cet édito est publié dans le nouveau numéro de Tchak (hiver23-24), en vente dès ce vendredi 15 décembre.
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