Ces huit producteurs lancent le Lait de la Baraque via la coopérative Pur Ardenne.
Les huit producteurs de la coopérative Pur Ardenne. De gauche à droite : Damien Ponsin (Ferme Ponsin), Jérôme Heiderscheid (Ferme Heiderscheid), Matthieu et Thierry Dufey (Ferme de Grainchamps), Maxime Doutreloux (Ferme Doutreloux), Benoit Deckers (Ferme ,Deckers) Gilles Remacle (Ferme du Rondchêne) et Jean Louis Neuville (Hautmont Hill).

Lait de la Baraque : une nouvelle filière écologique et équitable

Regardez cette photo prise à Lierneux. Huit producteurs de lait, huit hommes en colère. Enfin, plus aujourd’hui. Il y a trois ans, oui ; leur exploitation était dans l’impasse. Basta, l’industrie laitière et ses prix assassins ! Ils lancent la coopérative Pur Ardenne. Leur atout : du lait de pâturage, à haute valeur ajoutée. Bientôt en vente à Namur, Liège et Bruxelles, sous l’appellation « Lait de la Baraque ».

Yves Raisiere, journaliste | yrai@tchak.be

Ils voulaient un prix équitable pour leur lait. Plus celui du marché international, qui ne leur permet pas de vivre. Ils viennent de lancer Pur Ardenne, leur propre coopérative. Objectif : commercialiser un lait de pâturage à haute valeur ajoutée. Trois ans de boulot pour monter le cahier des charges, trouver un transformateur, des débouchés. Et choisir un nom pour leur brique. Ce sera le Lait de la Baraque (*).  

Vous allez le lire : il a fallu batailler, il faut encore lutter. Autour de la table, heureusement, une équipe solide. Huit gaillards passionnés, tous installés autour de… la Baraque de Fraiture. Interview de Jean-Louis Neuville, un des trois administrateurs de la coopérative.

Le Lait de la Baraque... Une nouvelle brique écologique et équitable bientôt en vente
Le Lait de la Baraque… Une nouvelle brique de lait écologique et équitable commercialisée par la coopérative Pur Ardenne. @ Layout: Nausicaa Van Hoeck

Jean-Louis Neuville, quelques mots d’abord pour camper votre exploitation…

Hautmont Hill, notre exploitation, est de taille familiale. Nous produisons du lait depuis trois générations. Aujourd’hui, la production annuelle est de plus ou moins 800.000 litres. Notre troupeau est composés de 90 vaches holstein. Elles sont au pâturage 180 jours par an, du 15 avril au 15 octobre, parfois plus tard si les conditions climatiques sont favorables. Une tradition dans notre région, puisque les terres agricoles sont couvertes à 90% de prairies. Nous cultivons aussi nos céréales et nos fourrages. Nous achetons juste un léger complément protéiné basé sur des aliments non-OGM et sans soja. Du colza et du tournesol principalement. Nous sommes très axés sur l’autonomie alimentaire. Pour y arriver, l’exploitation s’est petit à petit étendue sur 160 hectares.

Avoir deux générations derrière soi, c’est une pression ?

Tout de même. C’est en quelque sorte une question de respect. Les générations précédentes sont parties de rien. Elles se sont donné beaucoup de mal pour que les suivantes puissent, un jour, y arriver aussi. Donc oui, mener cette exploitation correctement est un devoir. Mais bien entendu, il faut aimer son métier pour y arriver.

+++ Cet article est au sommaire du numéro 4 de Tchak!

Jusqu’ici, à qui vendiez-vous votre lait ?

À la laiterie de Walhorn, qui fait partie du groupe Lactalis (NDLR : multinationale du lait). On s’était tourné vers elle en 2009 parce que Lactalis avait un tout petit peu mieux payé les producteurs pendant la grosse crise du lait. Mais le contexte est évidemment resté le même : celui d’un marché basé sur l’exportation – donc le beurre et la poudre – et dont les prix sont fixés en fonction de cotations mondiales, alors que les coûts de production augmentent d’année en année.

Que comptez-vous dans vos coûts de production ?

Les bâtiments, le matériel, les charges, les frais fixes et variables, les cotisations en tout genre. Les soins vétérinaires aussi car les médicaments ont doublé de prix. Ou encore les compléments alimentaires, à un niveau moindre toutefois car ce sont des matières premières. Lorsque vous additionnez ces charges, vous en arrivez à un coût minimum de production de 0,34 – 0,35 € au litre, alors que le prix d’achat moyen par les laiteries est resté à 0,33 € depuis des années. Bref, vous travaillez à perte.

D’où l’idée de lancer Pur Ardenne, votre propre coopérative…

Oui. On s’est mis ensemble pour créer une filière basée sur notre valeur ajoutée. Un lait écologique et équitable, de tradition, issu d’exploitations familiales autonomes. Un lait écologique, cela veut dire produit en harmonie avec l’écosystème. Ce sont des vaches qui pâturent, qui mangent de l’herbe, qui font leurs déjections sur place, ce qui nourrit le sol. Au fil des semaines, les troupeaux transhument de parcelle en parcelle. On gère aussi les prairies de fauche comme des zones refuges pour les oiseaux nicheurs. Tout cet écosystème favorise la biodiversité, le bien-être animal, la qualité de notre lait et la captation de CO2. Un cercle vertueux pour notre nature. 

Le Lait de la Baraque... Une nouvelle brique écologique et équitable
Le Lait de la Baraque… Le layout de cette nouvelle brique de lait est signé par Nausicaa Van Hoeck.

Et un lait équitable ? Ça veut dire quoi ?

Ça veut dire un lait vendu à un prix qui nous permette de vivre et de perpétuer notre type d’agriculture. Pour la grande industrie laitière, une agriculture à valeur ajoutée comme la nôtre n’est pas rémunératrice et n’a pas d’avenir. Financièrement, on allait vers une impasse. Le revenu familial était devenu de plus en plus dépendant des aides européennes et non du chiffre d’affaires réel de l’exploitation. Des aides qui, avec la nouvelle réforme, ne vont pas aller en s’améliorant. Il fallait donc trouver une solution pour sauver les derniers producteurs de lait de la région. 

Pourquoi ne pas se tourner vers les laiteries existantes ?

On a essayé, mais les laiteries industrielles nous ont fermé leurs portes. Ça les dérangeait que notre projet aboutisse malgré notre petite taille. Elles ne voulaient pas créer un précédent. On a aussi fait face à un autre problème : leur modèle et leur matériel ne permettaient pas de réaliser des collectes de lait ciblées ou de traiter des petits volumes. Plus aucune laiterie n’est équipée pour ça. 

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(*) Le layout de la brique de Lait de la Baraque est signé par Nausicaa Van Hoeck, une graphiste namuroise.