éco-score
En théorie, l’éco-score permet de comparer l’impact environnemental des produits alimentaires. En pratique, il présente pas mal de failles. © Adobe Stock

Éco-score : une belle idée mais de multiples failles

En attribuant une note globale à chaque produit, la mission de l’Éco-score (et des systèmes similaires) est de comparer l’impact environnemental des produits alimentaires et de faciliter le choix du consommateur. Une démarche intéressante mais un chemin semé d’embûches, tant techniques qu’idéologiques. Le regard de Renaud De Bruyn (Écoconso).

Regards | Renaud De Bruyn, expert alimentation (Écoconso)

Faire ses courses alimentaires en supermarché ET faire des choix « durables » est souvent un parcours du combattant : essayer de décrypter la liste des ingrédients (E621 c’était un des additifs dangereux ou pas ?), de connaître l’origine (« agriculture UE et non-UE », on est bien avancé tiens), d’identifier si le produit est bio (et pourquoi il est emballé dans du plastique alors ?), ou de démêler le vrai du faux (« agriculture durable », ça veut dire quoi ?).

Avec souvent un résultat : on se demande pourquoi ce n’est pas plus facile de « bien » acheter. L’ambition affichée de l’Éco-score est justement de faciliter le choix en notant les produits sur base de leur empreinte environnementale globale.

+++ Ce dossier est au sommaire du numéro 9 de Tchak! (printemps 22), actuellement en vente. 

Éco-score, Planet-score et les autres

L’Éco-score n’est pas le seul affichage environnemental, mais à notre connaissance le seul de ce type disponible en Belgique sur l’étiquette des produits (seulement sur certains produits chez Colruyt – gamme Boni – et Lidl à ce stade). On peut également découvrir l’Éco-score d’autres produits vendus chez nous via la base de données Open Food Facts et l’appli Yuka, mais sans mention sur l’emballage donc.[1] On peut également citer le Färmoscope, mais qui est limité aux magasins Färm, et qui n’adopte pas la même démarche.

En France, au contraire, la bataille fait rage. 18 projets ont été soumis à l’ADEME[2] dans l’optique d’adopter un affichage officiel en 2023.

Deux initiatives se détachent : l’Éco-score et le Planet-score. Dans les deux cas, l’idée est de présenter le score environnemental de manière simple, à l’instar du Nutri-score, avec éventuellement des sous-cotes permettant de mieux apprécier un impact en particulier.

Éco-score
L’éco-score.

Un calcul qui s’appuie sur le cycle de vie

Définir un impact global est par définition difficile. On se retrouve rapidement à devoir additionner l’impact du transport sur le climat avec celui des pesticides sur la pollution des sols. C’est à ça que sert un écobilan, ou analyse du cycle de vie (ACV) : mettre les impacts dans un même cadre pour pouvoir les comparer.

En matière d’alimentation, la base de données Agribalyse[3] fait référence. L’Éco-score et le Planet-score utilisent tous deux cette base de données comme « socle ».Elle estime les impacts environnementaux des aliments : carotte, tomate, fraise de saison ou hors saison, mais aussi des aliments préparés « standard » comme une crêpe fourrée au chocolat, du bœuf bourguignon, des lentilles cuites, etc. 

C’est assez détaillé : on peut connaître les impacts (changement climatique, émission de particules, eutrophisation, etc.) de la production, de la transformation mais aussi de l’emballage de l’aliment. On a même une estimation de l’incertitude de l’impact. Et si c’est un plat composé, on a le détail par ingrédient. Un vrai paradis pour scientifiques.

Ça vous semble compliqué ? Attendez, ce n’est pas fini.

Un résultat insuffisant

Si l’outil est une belle tentative d’objectiver les choses, tout le monde s’accorde à dire que le résultat est insuffisant.

En effet, Agribalyse se base sur des moyennes qui ne permettent pas de tenir compte des situations spécifiques. Admettons qu’un producteur cultive des tomates de manière particulièrement écologique. Ses efforts ne se retrouveront pas dans la base de données puisque celle-ci ne comprend que des tomates « type » cultivées de façon « standard ». 

La base de données favorise aussi l’agriculture intensive car son rendement plus élevé se traduit dans les chiffres et les analyses du cycle de vie (ACV) ne tiennent pas toujours compte des impacts négatifs comme l’effet des pesticides. La méthode utilisée par Agribalyse donne ainsi un meilleur score à une pomme conventionnelle qu’à une pomme bio.[4]

Ce n’est pas une fatalité : un écobilan peut très bien intégrer les effets bénéfiques d’une agriculture extensive. Simplement, ce n’est pas (encore) le cas pour Agribalyse, ou pas suffisamment.[5]

Un tas de critères pour pondérer

C’est pourquoi tant l’Éco-score que le Planet-score modifient le score d’un aliment de différentes manières afin de mieux tenir compte de certains aspects. Par exemple l’Éco-score ramène le résultat donné par Agribalyse en une cote sur 100. À cette note, l’Éco-score ajoute :

  • Un bonus si le produit porte un label officiel (bio, commerce équitable, MSC/ASC mais aussi Label Rouge par ex.) : + 5 à 20 points.
  • Un bonus sur base de l’origine des ingrédients (transport, politique environnementale du pays de production) : + 0 à 15 points.
  • Un bonus/malus si l’aliment contient des ingrédients qui ont un impact sur la biodiversité et les écosystèmes (par ex. l’huile de palme et la déforestation) : -5 à +5 points.
  • Un malus lié à l’emballage (suremballage…) : 0 à -15 points.

Le Planet-score fonctionne de manière similaire, mais modifie aussi les calculs produits par l’ACV. On ne va pas rentrer ici dans une comparaison fine de ces deux scores, dont les méthodes de calcul ne sont pas toujours publiques.[6] Mais Planet-score a déjà annoncé qu’ils se rallieraient à l’affichage officiel, si celui-ci ne dépasse pas certaines lignes rouges.[7]

À ce stade, une certitude : on est loin de la discussion franche et cordiale avec son producteur de carottes. 

Vous avez pu lire 45% de ce dossier gratuitement. Notre objectif ? Vous convaincre de son intérêt et de celui de soutenir Tchak, notre coopérative de presse.

Au sommaire de nos numéros, des enquêtes, des décrytages, du reportage sur un monde (agriculture, agro écologie, alimentation, circuit court, etc) au coeur de la transition, de la société, de l’environnement, de l’économie et de la santé publique. Un travail journalistique qualitatif qui demande beaucoup de moyens et de temps.

Comment nous soutenir ? Le mieux, c’est de vous abonner (56€ pour quatre numéros). Mais vous pouvez également acheter la revue au numéro (16 €) dans le réseau des librairies indépendantes, dans nos points de vente réseau ou sur notre kiosque en ligne.


[1] L’appli Yuka se base sur la base de données collaborative Open Food Facts.

[2] L’agence (française) de la transition écologique, qui encadre le projet d’affichage environnemental en France.

[3] Site Internet : www.agribalyse.fr. À l’initiative de l’ADEME et l’INRAE. 2500 produits sont analysés. La méthode est elle-même encadrée par la PEF (empreinte environnementale des produits) européenne, qui caractérise 16 catégories d’impacts environnementaux.

[4] Selon un document de Planet-score.

[5] Manquements d’ailleurs pointés dans le rapport du Comité scientifique qui suit l’affichage environnemental. Rapport disponible sur ADEME.fr.

[6] Planet-score indique ainsi que « nous réservons la présentation détaillée de nos méthodes, et de

nos résultats, au Conseil Scientifique de l’expérimentation sous forme d’annexes confidentielles. » Source : projet déposé par Planet-score auprès de l’ADEME, consultable sur ADEME.fr.

[7] Par exemple sur les pesticides et le type d’élevage, qui sont des points importants selon Johanna Tourchaud de Synabio, partenaire du Planet-score, citée dans 20minutes.fr, février 2022.