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CARTE BLANCHE
Zoé Gallez, co-coordinatrice du mouvement Terre-en-Vue
et Alix Bricteux, chargé de communication
Qui n’a pas entendu parler de ce chiffre incroyable ? C’était début septembre. Près de 22 milliards provenant de l’épargne des Belges, souscrits en bons d’État, en quelques jours seulement.
Quels facteurs expliquent pareil montant ? Certainement les conditions avantageuses : la durée courte (1 an), le taux intéressant (2,81 %) et l’avantage fiscal (réduction du précompte), rendant le taux encore plus intéressant (3,30 %). Bien sûr, il s’agit avant tout d’une trésorerie à court terme, que l’État s’est engagé à rembourser après un an — et qui a pour but de lui ouvrir la porte à des taux plus avantageux sur les marchés internationaux. Il n’empêche, la démarche a permis de mettre en lumière les montants qui dorment actuellement sur les comptes épargne, et qui pourraient être mis à disposition de la transition agroécologique et alimentaire.
+ Cette carte blanche est au sommaire du nouveau numéro de Tchak (hiver 2023-2024).
Et si l’État éditait aussi des bons d’État pour la transition agroécologique ? Et si l’État mettait en place des avantages fiscaux soutenant la mobilisation de l’épargne citoyenne pour la transition écologique ?
C’est une décision citoyenne de mettre notre argent au service de la transition. Et c’est une décision politique d’encourager cela au moyen d’un avantage fiscal. Un avantage fiscal ? Parlons-en ! En France, cela fait des années que les investissements dans l’économie sociale bénéficient d’un avantage fiscal, permettant ainsi de réunir des moyens conséquents pour une économie vertueuse.
En Belgique, ce n’est pas encore vraiment le cas. Certes, l’État fédéral a mis le Tax Shelter en place en 2015. Il s’agit d’un incitant fiscal destiné à encourager les investissements dans des petites et moyennes entreprises débutantes, en octroyant aux particuliers une réduction d’impôts en fonction du montant investi (de 30 à 45 %). Mais pour l’heure, ce système n’est pas lié à l’éventuelle plus-value sociétale de ces entreprises.
Seule la Région de Bruxelles-Capitale vient de mettre en place pareil avantage fiscal (appelé Investcoop), sous la forme d’un crédit d’impôt de 3,5 % du montant investi dans les coopératives Credal, F’in common et Hefboom.
Alors ? À quand un avantage fiscal pour les coopératives actives dans la transition agroécologique et alimentaire ? Un exemple. La coopérative Terre-en-vue facilite l’accès à la terre pour les agriculteurs et agricultrices en agroécologie. En acquérant des terres avec l’épargne citoyenne, elle les soulage ainsi du poids financier toujours plus important que représente l’investissement dans la terre, ce qui encourage la transmission et l’installation de nouvelles fermes en agroécologie. En 10 ans, nous avons ainsi réuni 7,5 millions d’épargne citoyenne, qui nous ont permis d’acquérir 170 hectares et de soutenir 43 fermes.
Actuellement, Terre-en-vue ne peut pourtant bénéficier du tax shelter, car c’est une coopérative âgée de plus de trois ans et qu’elle est considérée comme une immobilière, lesquelles sont exclues du mécanisme. Par ailleurs, n’étant pas située dans la Région de Bruxelles-Capitale, elle ne peut bénéficier du crédit d’impôt Investcoop. Résultat : investir dans notre coopérative permet de donner du sens à son épargne, mais la démarche n’apporte malheureusement aucun avantage financier qui permettrait ne fut-ce que de couvrir l’inflation.
Bref, Terre-en-vue est aujourd’hui limitée dans son action. La raison ? Sans régulation de leur prix, les terres sont devenues trop chères. Les capitaux pour les acquérir sont dès lors colossaux et, pour les propriétaires, ne peuvent pas être compensés par le prix des fermages (loyers déterminés légalement en fonction de l’évolution des revenus agricoles) quand ils louent ces terres.
Un avantage fiscal pour les coopérateurs et les coopératrices — idéalement un crédit d’impôt indépendant de l’impôt dû — permettrait d’accélérer le processus en attirant beaucoup plus de fonds pour cet enjeu crucial de soutien à nos agriculteur. rices et de protection de nos terres nourricières.
Rêvons un peu. Il y a 740.000 hectares de terres en Wallonie. Le prix moyen actuel de la terre agricole s’élève à 35 000 €/hectare. Si on parvenait à réunir 22 milliards d’euros en combinant bons d’État pour la transition agroécologique et avantage fiscal pour les coopérateurs et coopératrices, l’on donnerait aux citoyens et aux pouvoirs publics la possibilité de sécuriser l’accès à la terre pour les agriculteurs et agricultrices sur quasiment la totalité de la surface agricole wallonne, à savoir 625.000 hectares sur 740.000.
Toutes ces terres aux mains des citoyens et citoyennes, des pouvoirs publics et des agriculteurs et agricultrices, garants du bien commun ! Toutes ces terres au service d’une production respectueuse de la terre et destinée directement à nourrir les gens localement… Ce serait formidable.
Alors, la prochaine législature prévoira-t-elle de tels bons d’État et avantages fiscaux dans son programme ?
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