Ancienne ambassadrice aux Nations-Unies, la Française Claire Chenu est chercheuse à l’INRA et professeure à AgroParisTech. À son palmarès, le laurier de la recherche agronomique 2019. Selon elle, l’agriculture est un des moyens incontournables pour séquestrer le carbone dans les sols et lutter contre le réchauffement climatique. Interview.
Frédérique Hupin, journaliste | hupinfrederique@gmail.com
Claire Chenu, vous êtes une des porte-paroles de l’initiative française « 4 pour 1000 ». Vous dites qu’accroître la quantité de carbone stockée dans les sols via la photosynthèse (agriculture de conservation des sols) pourrait contribuer à diminuer le CO2atmosphérique, donc le réchauffement climatique.
Oui. L’objectif de cette initiative est de gérer les sols durablement de façon à ce qu’ils puissent remplir les multiples fonctions qu’on attend d’eux. Principalement un support à la production et à la sécurité alimentaire, mais aussi un rôle dans l’atténuation du changement climatique.
En gros, c’est quoi l’idée ?
Il y a tellement de carbone dans les sols du monde que si on augmentait son stockage de 4 pour 1000, donc de 0,4 % chaque année la quantité de carbone qu’il y a dans les sols agricoles du monde, cela suffirait à pomper l’équivalent de ce qui va annuellement de notre planète vers l’atmosphère, toutes origines confondues.
Vous parlez de séquestration du CO2 dans le sol, pas de stockage… Pourquoi ?
La nuance est légère mais a toute son importance. Quand on parle de séquestration, on entend un stockage sur le long terme. Le stockage, lui, peut être provisoire. En un retournement de prairie, on peut annihiler le stockage de carbone qui a mis dix ans à se créer.
Partout, on pointe l’agriculture comme étant une des sources du réchauffement climatique. Ici, elle devient une solution pour y remédier. C’est surprenant. Vous y croyez vraiment ?
Oui. Beaucoup d’actions peuvent être entreprises par les agriculteurs dans ce sens, et en plus, elles ont un intérêt économique. Prendre soin de son sol, c’est la base de tout. Mais attention, ce n’est pas une solution miracle. J’insiste bien. Il ne s’agit pas de se dédouaner de faire des efforts sous prétexte que grâce à la séquestration du carbone dans les sols agricoles on a trouvé une solution. En fait, l’agriculture peut être une partie de la solution mais pas la solution à elle seule.
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Quelle image avez-vous du monde agricole actuel ?
J’ai ouvert de grands yeux sur ce que savent les agriculteurs. C’est impressionnant. Le monde agricole est en train de changer. J’ai l’impression – mais peut-être est-ce une vision biaisée – qu’il y a une réappropriation de l’agronomie par les agriculteurs. En tous cas, un souhait de refaire de l’agronomie, de maîtriser les aspects agronomiques de leur métier.
Ce n’est pas ce que le grand public a l’air de penser de l’agriculture !
Je suis assez atterrée par la méconnaissance de nos concitoyens de choses basiques, comme « rien ne se perd rien ne se crée » ou les processus biologiques. On parle de plus en plus d’écologie et c’est extraordinaire, mais en même temps, il faut une connaissance de base pour comprendre. L’écologie ce n’est qu’une affaire d’interactions, donc c’est hyper complexe, et c’est entièrement des questions de compromis. Rien n’est noir, rien n’est blanc.
Que peuvent mettre en place les agriculteurs pour arriver à séquestrer plus de CO2 dans les sols ?
Les solutions proposées pour augmenter de 4 pour 1000 le taux de carbone dans les sols sont, par ordre d’efficacité décroissante, les couverts végétaux, l’arrêt des techniques de brulis (pour les pays du Sud), la conservation des résidus de culture au champ, l’apport de matière organique (fumier, composts), l’agroforesterie, les techniques culturales simplifiées et le non labour.
En bref … l’agroécologie ?
Oui. Des principes mis en pratique par l’agriculture de conservation des sols et l’agroforesterie.
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