Des promos de moins 30 %, moins 40 %, parfois même moins 50 % dans les supermarchés… chouette réconfort en ces temps de crise ? Tsst, tsst… Ne soyez pas dupes. Cette politique des prix cassés gifle les producteur·trice·s et dupe les consommateurs. Exemple avec la campagne de rentrée d’Intermarché.
Yves Raisiere, journaliste | yrai@tchak.be
Le prix de la meilleure punchline de rentrée ? Il est attribué à Intermarché, qui a barré la première page d’un de ses folders par un grand « Plus il y en a, moins c’est cher ». Sous le titre, un colis de 15 kg de viande au prix record de 79,99 euros. Waouw ! C’est donc ça, une chaîne qui « donne à chacun l’opportunité d’accéder à tous les produits ».
Au fil de la revue, les offres se succèdent. Et hop : 6 kilos de pâtes gratuits à l’achat de 2 kilos de haché belge. Et hop, moins 46 % sur des côtes de veau belge. Et re-hop, moins 50 % sur les sautés de porc belge panés. Un petit dernier pour le réconfort ? Et hop, un concombre belge gratuit à l’achat d’un autre. Dingue, hein ?
Intermarché vend 2 kg de haché pour… 14 euros,
alors que les producteurs l’affichent à 22€
Bon, allez, arrêtons nos salades. Si on insiste tant sur l’origine belge de ces quelques produits, c’est parce qu’Intermarché – mais c’est aussi valable pour Colruyt, Carrefour, Delhaize, Lidl et consorts – affirme depuis des mois soutenir petits producteurs et justes prix.
A mettre en rapport les prix affichés par Intermarché et la réalité du terrain, on le devine bien, ce soutien…
Voyons ça en mots :
- 2 kg de haché pour 14 euros, alors qu’en vente directe, les éleveurs proposent le même produit et la même quantité à un prix variant entre 22 et 25 euros ;
- des cuisses de poulet à 2,6 euros le kilo, alors que les producteurs le pointent, eux, entre 16 et 20 euros le kilo ;
- ou encore des côtes de veau à 10,4 euros le kilo quand les magasins à la ferme les affichent entre 17 et 23 euros le kilo.
Le reste du catalogue est à l’avenant. On passe de prix planchers en prix planchers. Pour des producteurs, c’est la gifle à chaque page tournée. De quoi enrager puisque, dans le même temps, la grande distribution pratique du « local washing » à outrance.
Un référentiel des prix compètement erroné
Cette stratégie est lourde de conséquences : elle participe à la consolidation, dans la tête des consommateurs, d’un référentiel des prix complètement erroné. Sans cesse obligés de rogner sur leurs marges, de nombreux agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté malgré les aides. Cette précarité fait fuir les nouvelles générations, ce qui laisse le champ libre aux grandes exploitations industrielles. La boucle est bouclée.
Tout profit pour l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution, qui, au final, malgré les apparences, se sucrent aussi sur le dos des consommateurs. Ce que ceux-ci gagnent d’un côté en ayant accès à des promos et des prix réduits, ils vont le reperdre de l’autre. La facture sociétale liée à la production intensive et à la surconsommation – soins de santé et dégradation de l’environnement – se chiffre déjà en milliards. Et ça ne fait que commencer.
Pas toujours simple de s’y retrouver dans tout ça. Tchak! – la revue paysanne et citoyenne qui tranche est justement née pour décrypter ces thématiques et susciter la prise de conscience. Alors… bienvenue dans le numéro 3, en vente depuis ce mardi 6 octobre.
Parmi les points au sommaire, notre grande enquête sur la bière.