Apaq-W et Fwa
Marianne Streel et Philippe Mattart, président et directeur de l'Agence wallonne pour la promotion d'une agriculture de qualité (Apaq-W). © Kris Van Exel

Apaq-W et gouvernance : un conseil d’administration aux mains de la FWA

Sur sa page Facebook, l’Apaq-W se présente comme une « coopérative agricole ». Mais au conseil d’administration de l’Apaq-W, on retrouve beaucoup de personnes liées à la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA), le syndicat dominant. Et à la tête de l’agence de promotion, Marianne Streel, précisément présidente de la FWA. Une gouvernance qui ne laisse quasiment pas de place aux voix dissonantes.

Enquête | Sang-Sang Wu, journaliste | sang-sang@tchak.be

Depuis le 1er janvier 2019, l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité (Apaq-W) est une Unité d’administration publique (UAP) de type 2 dotée d’un Conseil d’administration où siègent 15 membres nommés par le Gouvernement wallon. Ceux-ci sont des représentants du monde agricole, de l’industrie et de la distribution, mais aussi des représentants des consommateurs.

Dès la mise en place du CA, tout le monde s’est réjoui de ce « changement de cap » qui visait à renforcer les liens avec les producteurs en les intégrant directement à la gestion de l’Apaq-W. Une agence qui serait ainsi devenue plus autonome pour mener ses missions alors que, auparavant, elle était sous la tutelle directe du ministre de l’Agriculture.

« Il est assez rare qu’un ministre cherche à diminuer son pouvoir », lançait à l’époque René Collin (précédent ministre wallon de l’Agriculture, cdH), quelques mois avant de céder sa place à Willy Borsus (MR). 

Désignée le même jour à l’Apaq-W et à la FWA

En dotant l’Apaq-W d’« outils de gouvernance en prise sur la réalité », les instigateurs de la réforme entendaient encourager la gestion participative, permettant aux acteurs de terrain de s’exprimer. « Ça a été un changement considérable puisque le monde agricole n’a plus été ni représenté ni impliqué de la même manière », affirmait Philippe Mattart, le directeur général de l’agence.

+++ Cette enquête est au sommaire du numéro 7 de Tchak! (automne 2021).

En effet, c’est Marianne Streel, alors présidente de l’Union des Agricultrices Wallonnes (UAW) depuis 2013, qui est propulsée à sa tête. Étant la seule à se présenter au poste, elle est nommée sans difficulté. Le même jour, l’agricultrice devient par ailleurs présidente de la Fédération wallonne de l’agriculture (FWA), le syndicat agricole dominant en Wallonie.

« Elle s’est présentée à la fonction comme étant à la tête de l’UAW, puis elle est devenue présidente de la FWA. C’était un peu particulier et surprenant d’avoir cette double désignation en même temps, mais il n’y avait pas d’autre candidat. Certaines structures l’ont mal pris, mais pas nous », avance Dominique Jacques, président de l’Unab[1] (un groupement d’agriculteurs bio), qui a quant à lui été nommé vice-président.

Nous aurions voulu donner la parole à Marianne Streel, mais celle-ci n’a pas répondu à nos sollicitations. 

Un « hasard du calendrier » qui fait grincer des dents

Si à l’époque, personne n’a bronché officiellement, ce « hasard du calendrier » fait ricaner et grincer quelques dents. « Je ne trouvais pas la situation normale, mais personne n’a osé râler. Comme elle a les deux casquettes, elle fait profiter la FWA lorsqu’elle siège à l’Apaq-W. Elle n’est pas neutre. »

C’est ballot, pour une agence qui dit défendre l’intérêt général. « C’est vrai que quand elle est sur un plateau télé, on peut faire l’amalgame avec la FWA, mais je pense qu’elle fait la différence entre les deux », note prudemment Dominique Jacques.

Un positionnement mesuré qui n’étonne pas, dans le milieu. Car si tout le monde s’accorde pour dire que sa position de vice-président n’est pas aisée, le sentiment général est qu’il a du mal à imposer les intérêts de son secteur face à Marianne Streel. « Ce duo, c’est un mariage forcé », sourit l’une de nos sources. 

« Il fait ce qu’il peut et arrive à modifier certaines choses… En même temps, c’est soit ça, soit la politique de la chaise vide. Je n’aimerais pas être à sa place », soutient Philippe Loeckx, propriétaire d’une ferme bio de 40 hectares dans le Hainaut. 

« Dominique Jacques n’est pas assez virulent et n’a pas le même poids car il représente une union professionnelle et pas un syndicat », estime une autre personne qui a préféré rester anonyme.

D’autres vont plus loin encore : « Il est conciliant et pas mordant du tout : il est avec celui qui parle le plus fort » ; « Il n’ose pas dire grand-chose car l’Unab dépend de l’Apaq-W pour son chapiteau « En terre bio » à 30 000 € sur la Foire de Libramont. Voilà comment on tient les gens ».

« Philippe Mattart l’influence et l’a fait taire à plusieurs réunions sur la part du bio à l’Apaq-W », soutient même André Grevisse, à la tête de 150 hectares et de 350 bêtes à Habay-la-Vieille. 

Multi-représentation de la Fwa au CA de l’Apaq-W

À y regarder de plus près, il n’y a pas qu’à la présidence de l’Apaq-W que la FWA est représentée. Parmi les administrateurs, certains sont également membres du syndicat majoritaire en Wallonie. Siègent ainsi Marc Decoster, vice-président en Brabant Wallon de la FWA, mais aussi des représentants de la Fédération wallonne horticole (FWH) et de la Fédération des jeunes agriculteurs (FJA), deux associations liées à la FWA.

Et même parmi les représentants proposés par le Collège des producteurs figurent des personnes actives à la FWA. Etienne Ernoux est représentant des Grandes cultures pour le Collège des producteurs, mais il est aussi président de la Commission productions végétales de la FWA ; Henri Herman est non seulement représentant de la viande bovine au Collège, mais également président de la Commission productions animales de la FWA.

Lors des premiers pas du CA, le représentant du Gouvernement n’était autre que José Renard, ex-chef de cabinet adjoint de René Collin et Secrétaire général de la FWA depuis septembre 2019. 

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[1] L’Union nationale des agrobiologistes belges.