Agriculture de conservation des sols
Agriculture de conservation des sols ©Sébastien Nunes

Agriculture de conservation des sols et agroécologie: les grands principes

Agroécologie et agriculture de conservation des sols… Deux conceptions de l’agriculture nées à la fin des années 1970. Aujourd’hui, la première englobe la seconde sur le plan générique.

Frédérique Hupin, journaliste | hupin.frederique@gmail.com

À l’époque, la mécanisation et l’utilisation des engrais et des pesticides sont au coeur du système agricole. Les rendements sont au plus haut, mais on en découvre l’impact : un épuisement des ressources alors que la faim dans le monde existe toujours.

+ Cet article fait partie d’un dossier sur l’agriculture de conservation des sols (Tchak numéro 2, toujours en vente).

Issu du monde des ONG et professeur d’agronomie en Californie, le Chilien Miguel Altieri défend alors un changement de cap ; il regroupe ses propositions sous le mot « agroécologie » : « Recycler les matières végétales, prendre soin du sol, éviter les pertes de ressources, amplifier les services rendus par la nature, favoriser la diversité des espèces et assurer aux agriculteurs une autonomie financière. »

À la même époque, Carlos Crovetto, un agriculteur chilien, expérimente le semis direct (sans labour, directement dans les résidus végétaux). Une technique qu’il définit sous l’expression « agriculture de conservation des sols » (ACS). En 1996, il publie Les Fondements d’une agriculture durable, un livre de référence.

Les grands principes de l’agroécologie

En visionnaire, Crovetto y explique comment il a recréé quelques centimètres de sol fertile essentiel à une agriculture durable. Il s’appuie sur ses résultats techniques, biologiques et environnementaux pour ouvrir de nouvelles perspectives  plus que jamais valables aujourd’hui.

Les principes de l’agroécologie (prendre soin du sol, éviter les pertes de ressources, amplifier les services rendus par la nature) se traduisent en pratique par la diminution du travail du sol et, in fine, du labour. Le travail du sol permet de désherber et d’ameublir le sol pour favoriser la germination.

Problème : ce travail du sol débarrasse également de toute une batterie d’organismes très utiles. En plus de tuer les vers de terre assumant à la fois des fonctions de digestion et d’aération, le labour éradique ainsi une série de micro-insectes et casse les réseaux de filaments de champignons utiles au sol. En outre, le labour consomme énormément de fuel et apporte de l’oxygène qui accélère la dégradation de la matière organique. C’est contre-productif quand l’objectif est de séquestrer du carbone.

Rien n’est parfait en ce bas monde, tout est question de compromis : se passer du labour entraîne parfois un besoin d’herbicide. Le glyphosate étant le moins cher, car son brevet est passé dans le domaine public en 2000, il est utilisé en complément de la diminution du travail du sol. Des études sont en cours en Europe mais elles n’ont pas encore permis de trouver une solution miracle.

Nourrir tout le petit monde peuplant le sol

Qui dit protéger le sol dit également le nourrir et le couvrir. Entre deux cultures, des couverts diversifiés sont semés. Ils ont pour but de nourrir le petit monde peuplant le sol par un menu varié et de protéger le sol des intempéries. Cerise sur le gâteau :ils permettent donc de séquestrer le CO2. 

Ces couverts sont ensuite principalement détruits par le gel ou mécaniquement. Par extension, cette couverture comprend aussi la gestion des bords de champs,des haies, des arbres, qui eux aussi, ont une fonction dans la chaîne. On parle alors d’agroforesterie. 

Les résidus de culture participent aussi à la régénération des sols et à la composition du menu. C’est le cas des cultures dont on n’exporte que le grain, pour peu que la racine et la base de la plante retournent au sol. Par contre, ce n’est pas le cas des cultures dont la racine elle-même est exportée (pommes de terre, carottes, oignons).

En conclusion, on peut pratiquer l’agroécologie à divers degrés. Mais comment mesurer et comment inciter les agriculteurs à avancer dans ce sens ? En Autriche, ils sont, par exemple, incités à séquestrer du carbone dans le sol. Ils sont rémunérés, à l’instar de ce qui se fait dans le monde des industries avec les « crédits carbone ». 

Ce programme est financé, sur une base volontaire, par des entreprises qui souhaitent compenser leurs émissions de carbone. D’autres méthodes de mesure se mettent en place un peu partout en Europe et dans le monde. Une piste pour faciliter et accélérer la transition agroécologique et la relocalisation de la production ?