Les représentants du secteur bio en Wallonie sont déçus : alors que le plan stratégique bio 2030 mentionnait un budget de 636.500 € pour 2022, seulement la moitié sera réellement consacrée à la promotion de l’agriculture biologique via l’Apaq-W (Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité).
Sang-Sang Wu, journaliste | sang-sang.wu@tchak.be
Les représentants du secteur bio en Wallonie sont déçus : alors que le plan stratégique bio 2030 mentionnait un budget de 636.500 € pour 2022, seulement la moitié sera réellement consacrée à la promotion de l’agriculture biologique via l’Apaq-W (Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité).
« J’ai constaté que la part du budget allouée à la promotion de l’agriculture biologique (par l’Apaq-W, ndlr) s’écartait drastiquement de ce que le plan stratégique bio prévoyait : 324.000 € en lieu et place des 636.500 € prévus », indique Dominique Jacques, président de l’Union nationale des agrobiologistes belges (Unab) et vice-président du Conseil d’administration de l’Apaq-W.
Ce plan stratégique bio est le fruit d’une concertation entre les différents acteurs wallons du secteur bio. Il a été adopté il y a quelques mois par le gouvernement wallon et prévoit effectivement, pour 2022, une « trajectoire budgétaire » de 636.500 € à destination de l’Apaq-W dans le but de faire la promotion du bio.
« Le gouvernement veut plus d’agriculteurs bio. Que l’agence de promotion wallonne aligne son travail sur la note de politique générale de la Wallonie. Sinon, nous allons droit dans le mur ! »
Dominiques Jacques, président de l’Unab et vice-président de l’Apaq-W
Seulement voilà, si ce plan a bien été approuvé, l’octroi des budgets s’est fait dans un second temps. « Et quand il a été question de savoir s’il y avait les sous, le gouvernement a décidé qu’il n’y aurait pas de budget supplémentaire pour l’Apaq-W », confie une source du secteur qui souhaite rester anonyme.
Sans augmentation du budget opérationnel, l’agence a donc décidé d’allouer le même budget que l’an dernier à la promotion du bio, à savoir 324.000 €. Soit la moitié du montant que les acteurs du bio espéraient obtenir. « Comme le plan bio a été adopté, ils ont cru que le budget l’était aussi », poursuit cette source bien informée.
Le secteur est donc tombé de haut en apprenant la nouvelle lors de l’Assemblée sectorielle bio du Collège des producteurs, le 8 novembre dernier. Dans une missive qu’il envoie à ses membres quelques jours plus tard, Dominique Jacques explique ne pas comprendre la décision du gouvernement wallon de ne pas soutenir davantage le secteur. Et pointe une ligne de conduite incohérente. « Le gouvernement veut plus d’agriculteurs bio. Que l’agence de promotion wallonne aligne son travail sur la note de politique générale de la Wallonie. Sinon, nous allons droit dans le mur ! »
« En tant que gestionnaire, je dois être rigoureux »
Philippe Mattart, le directeur général de l’Apaq-W, estime qu’il y a eu un malentendu fâcheux.
« J’ai demandé les moyens indiqués dans la trajectoire budgétaire en sachant que la décision du gouvernement précise bien que l’octroi annuel des moyens se fait en fonction des moyens disponibles. Dès lors que les moyens ne sont pas disponibles (pour des raisons X ou Y) et ne rencontrent pas la trajectoire indicative, il est clair que moi, en tant que gestionnaire, je dois être rigoureux. Je ne vais donc pas faire un budget opérationnel avec de l’argent que je n’ai pas. Le budget dont je dispose de manière certaine, c’est celui qui se trouve dans mon enveloppe et qui est, pour le bio, de 324 000 €. »
En clair, le budget est indicatif en fonction des moyens disponibles et peut éventuellement évoluer si le gouvernement wallon en accorde davantage.
Philippe Mattart tient à le rappeler : « On n’a pas renforcé d’autres filières (sous-entendu : l’agriculture conventionnelle, ndlr) au détriment du bio ».
Ce mardi 23 novembre au Parlement de Wallonie
De son côté, comment le gouvernement wallon justifie-t-il ce choix ? Au cabinet du ministre wallon de l’agriculture, on indique que Willy Borsus (MR) répondra aux questions des députés sur le sujet ce mardi 23 novembre, en commission du Parlement de Wallonie (lire en bas de page).
En attendant ses précisions, le directeur de l’agence souligne que le contexte est difficile : « Avec les inondations de cet été et le Covid, il y a probablement eu des arbitrages à faire. En Wallonie, on est actuellement dans le ‘budget base zéro’ qui vise à faire réaliser de sérieuses économies aux administrations. Donc la croissance des budgets wallons n’est pas à l’ordre du jour ».
Selon le secteur bio, il est absolument primordial de transférer des moyens vers la promotion de la consommation des produits bio pour anticiper l’augmentation attendue du nombre de producteurs d’ici 2030. Le premier plan bio (2013-2020) prévoyait que 8 % du budget de l’Apaq-W devait être alloué au bio. Ce qui fâche, c’est qu’il n’y a pas, d’année en année, d’évolution de cette répartition du budget alors que le nombre de producteurs qui se convertissent à l’agriculture biologique augmente. Aujourd’hui, la Wallonie compte 15 % de fermes bio.
« Dans le plan de relance aujourd’hui, il n’y a rien pour la promotion bio »
L’Unab appelle à une mobilisation de l’ensemble du secteur pour tenter de faire débloquer de l’argent supplémentaire pour la promotion du bio. Pour son président, une des pistes serait à chercher du côté du plan de relance de la Wallonie. Une coquette somme venant de la Région wallonne et de l’Europe a effectivement été attribuée à l’Apaq-W. Mais « cela ne concerne pas le bio, c’est pour faire autre chose, insiste Philippe Mattart. Par contre, dans le cadre de ce plan de relance, on nous a confié deux projets dont un va profiter partiellement au bio, c’est l’Observatoire de la consommation alimentaire. »
Comme nous le relations dans notre grande enquête sur le fonctionnement de l’Apaq-W parue dans notre n°7 (automne 2021), le but de ce service de récolte, de traitement et d’analyse de données est de renforcer la connaissance des marchés alimentaires et donc de mieux connaître le consommateur wallon.
Cela ne convainc pas Dominique Jacques qui craint des tentatives de dilution du message à destination des consommateurs. « Dans le plan de relance aujourd’hui, il n’y a rien pour la promotion bio. On veut une communication 100 % bio pour éviter de donner l’impression que le bio et le circuit-court du conventionnel, c’est la même chose. »
Il reste une carte à jouer
Si le budget global de l’Apaq-W a déjà été décidé au gouvernement wallon, tout n’est pas perdu, selon l’Unab. En effet, la répartition entre les secteurs ne serait pas encore actée. Il reste donc peut-être une carte à jouer, même s’il est peu probable que le secteur bio bénéficie d’une rallonge.
« Après avoir été présenté au Conseil d’administration de l’Apaq-W, le budget est remis au Collège des producteurs où chaque secteur prêche pour sa paroisse. Ensuite, il revient au CA de l’agence et est envoyé au ministre qui le présente au gouvernement. En principe, rien ne devrait être changé, mais je fais tout pour que ça bouge, dans l’intérêt du producteur bio vers nos consommateurs », souligne Dominique Jacques.
Quoi qu’il en soit, on imagine mal comment le gouvernement wallon pourrait atteindre les objectifs qu’il se fixe dans son plan stratégique bio sans débloquer de moyens supplémentaires. Le directeur général de l’agence assure que « les obligations de résultat et les indicateurs sont fixés et on se débrouillera pour les respecter ». Même sans argent ? « On fera tout pour y arriver et on attendra des jours meilleurs. »
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+++ Mise à jour du 23/11 à 19 h: les explications de Willy Borsus (agence Belga).
Alors qu’en Wallonie, le plan stratégique Bio 2030 – adopté en juin dernier par le gouvernement – annonçait initialement, via l’Apaq-W, un budget de 636.500 euros pour la promotion du secteur en 2022, ce dernier devra se contenter de 324.000 euros, a confirmé le ministre régional de l’Agriculture, Willy Borsus, mardi, en commission du parlement wallon.
« Les crises auxquelles nous devons faire face mobilisent des moyens considérables qui affectent différents projets. Dans ce contexte, des choix doivent être posés », a justifié le ministre en rappelant que la trajectoire de 636.500 euros était « indicative et subordonnée à la disponibilité des moyens ».
« L’Apaq-W a bien demandé les ressources nécessaires pour coller à la trajectoire annoncée mais, hélas, les moyens ne pouvaient pas être mobilisés pour 2022. Il était donc de bonne gestion d’inscrire les moyens réellement disponibles », a poursuivi Willy Borsus.
Néanmoins, l’agence régionale « honorera la totalité de ses engagements dans le cadre du plan Bio et du personnel sera réaffecté pour la promotion du secteur», a ajouté le ministre. L’Apaq est également « sur liste d’attente pour un co-financement européen qui viendrait suppléer le manque de moyens», a-t-il encore indiqué.
« Je serai en outre très mobilisé lors de l’ajustement pour voir si un budget complémentaire peut être dégagé », a enfin assuré Willy Borsus.