Sous nos climats comme ailleurs, les vignobles se mettent de plus en plus à l’heure du bio. C’est notamment le cas des vignobles associatifs et coopératifs que nous avons visités en Wallonie : leurs missions d’inclusion sociale vont de pair avec un souci prononcé pour l’environnement.
Valentine Stoumon
« Le fait de travailler en culture biologique – nous sommes certifiés depuis une dizaine d’années -, est un atout incontestable », entame Michel Crucifix, chef de culture et administrateur du Poirier du Loup.
Ce vignoble associatif installé à Torgny, en Gaume, ne se contente toutefois pas des exigences du label bio : « Nous n’utilisons plus d’intrants externes comme les levures de laboratoire ou les sulfites. Pour le crémant, par exemple, nous faisons du levain à partir de notre production. Et au lieu d’ajouter du sucre pour la refermentation, on utilise du jus de raisin produit l’année qui suit la mise en bouteille. Plutôt que des sulfites, nous utilisons seulement des bentonites. Ce sont des argiles qui servent au collage et à la clarification du vin mais qui ne restent pas dans les bouteilles. »
En d’autres termes : « la plupart des éléments que nous utilisons pour la vinification sont produits par le vignoble lui-même », se félicite Michel Crucifix.
+++ Ce décryptage fait partie d'un dossier sur les vignobles coopératifs et associatifs wallons publié dans notre revue (numéro 11 - automne 2022) et sur le web. Un travail financé par le Fonds pour le journalisme et par Tchak.
Comme beaucoup d’autres vignobles constitués sous forme d’ASBL ou de coopératives à finalité sociale, un modèle en plein essor en Wallonie dont il est l’un des plus anciens représentants, le Poirier du Loup a progressivement inclus le respect de l’environnement au cœur de ses missions.
À l’avenir, l’association aimerait maximiser les complémentarités entre la vigne et d’autres plantes. « Notre ambition est d’associer notre projet à de la culture maraîchère sous les rangs des vignes. Nous voulons aussi augmenter la biodiversité sur le vignoble », relate le chef de culture, qui souligne la vocation pédagogique des lieux puisque les activités qui s’y tiennent servent de support à un centre d’insertion et de formation socio-professionnelle.
Se faire aider par des pros
Pour parvenir à cultiver sans intrants issus de la chimie de synthèse, la base, c’est de choisir des cépages adaptés. À Genval, quand des habitants de cette localité brabançonne ont créé sur le pouce l’ASBL Les Vins de Genval en 2011, ils n’avaient « pas une once de connaissances viticoles ». Mais ils ont bien compris qu’ils devraient se faire aider pour ne pas louper cette étape.
« L’analyse du sol a été soumise à divers spécialistes, qui ont tenu compte du climat septentrional et ont présélectionné en conséquence quelques cépages. Le Solaris est arrivé en tête », se souvient Nicolas Vuille, initiateur du projet. C’est un cépage assez récent, résilient face au gel et aux maladies.
Contrairement au Poirier du Loup, le vignoble Les Vins de Genval n’est cependant pas certifié bio. « Nous nous inscrivons dans une démarche bio, veillons à en suivre les préceptes, mais comme le vin n’est pas commercialisé, nous ne cherchons pas de certification. En tant que producteurs et consommateurs, nous sommes les premiers concernés par cette question », explique Nicolas Vuille.
Autre élément au centre de l’attention des vignobles associatifs et coopératifs wallons : la gestion du sol. « Nous semons un mélange de plantes appelé Wolff–Mischung entre les rangs, en alternance avec du trèfle », détaille ainsi Henri Larsille, créateur du Vignoble du Martinet à Charleroi. Soit des légumineuses qui font office d’engrais naturel et préservent l’humidité du sol.
Une qualité croissante
Les rendements de tous ces vignobles ne sont pas forcément exceptionnels. Mais depuis Vin de Liège, la plus grande coopérative viticole de Wallonie qui s’étend sur près de 17 hectares, aux projets d’ampleur beaucoup plus modeste comme le Vignoble du Martinet, les objectifs productifs sont taillés en fonction d’autres préoccupations, dont notamment celles d’ordre écologique. Surtout, bien entendu, quand ces préoccupations contribuent au plaisir de la dégustation.
« En bio, on fait des produits de qualité croissante et cela attire les vocations », constate à ce propos le journaliste Marc Vanel, spécialiste belge du vin. Un succès accéléré par la restriction progressive du nombre de substances autorisées pour la fabrication du vin.
Le revers de la médaille, c’est le manque de connaissances de certains viticulteurs en herbe. « Il faut, pour ne citer que quelques exemples, veiller à ce que les maladies ne se développent pas, traiter la vigne avec des produits naturels, entretenir, suivre le flux des saisons, etc. Tout le monde ne se rend pas compte des efforts et de l’implication que représente la vigne. C’est un problème auquel certains se heurtent. Ceux-là vont inévitablement s’essouffler », présage Marc Vanel.
Néanmoins, le mouvement vers le (plus que) bio est parti pour durer. «L’agriculture bio, c’est possible. Nous la pratiquons ! », témoigne, sans effets de manches, Michel Schoonbroodt, créateur de la coopérative Vin du Pays de Herve. D’ailleurs, la culture de la vigne était répandue sur le plateau de Herve entre le 9ème et le 17e siècle, bien avant que la chimie de synthèse ne transforme les traditions viticoles, relève la coopérative.
Reste à parier que tous les pieds plantés ces dernières années résisteront aux perturbations climatiques et catastrophes environnementales à venir. Dans les vignobles associatifs et coopératifs de Wallonie, ils sont des milliers à lever leurs verres en signe d’espoir !
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