Sécheresse
© Philippe Lavandy

Maraîchage, sécheresse et inondations : se préparer bien en amont

2023, nouvelle année de sécheresse ? C’est une des nombreuses inquiétudes actuelles des maraîchères et maraîchers. À l’aube d’une nouvelle saison, toutes et tous se souviennent encore de l’été 2022 très sec. Journée de réflexion et d’échange organisée par le Réseau des espaces-tests et la FedeAU. Le conseil du jour: se préparer bien en amont.

Gwenaëlle Marin Avila et Delphine Cassiman, journalistes (st.)

Malgré leurs efforts pour stocker l’eau, les maraîchers et maraîchères belges étaient, pour la plupart, à sec l’été passé. Un schéma qui, d’après leur lecture des rapports du GIEC, pourrait devenir cyclique dans le futur, « avec deux années de sécheresse suivies d’un an de fortes pluies et d’inondations ». Se pose dès lors la question de savoir comment gérer l’eau, tant dans son excès que dans son manque. D’autant que les prémisses sévissent déjà. 

« Au début de ma carrière, on incluait dans les calculs de prévision 12 semaines de sécheresse. Maintenant, on est plutôt sur 18 semaines »calcule Michaël Dossin, maraîcher à la microferme du Bout du Monde. Face à pareille évolution, celui-ci préconise d’être prudent et de prévoir jusqu’à 36 semaines de sécheresse dans ses calculs : « Donc il va falloir augmenter les capacités des citernes et augmenter les budgets. » 

Sécheresse Maraîchage formation
Pour Michaël Dossin, maraîcher et arboriculteur à la microferme du Bout du monde (Spa), les maraîchers et les maraîchères doivent comprendre combien leur sol peut servir de réservoir à l’eau. © Archive – Philippe Lavandy

Dans ce contexte de dérèglement climatique, une journée était organisée fin-février par le Réseau des espaces-tests et la FedeAU à l’Arbre qui pousse. Ce tiers-lieu de collectivité et de soutien à la transition accueillait les maraîchères et maraîchers pour discuter de leurs problèmes d’eau et des solutions possibles.

Là-bas, autour d’une table ronde, une dame en imperméable jaune, l’air volontaire, se questionne face aux incertitudes météorologiques : « Moi, je ne calcule pas la nécessité en eau de mon maraîchage, mais je me rends bien compte que ça peut poser problème dans le futur. » Une autre s’inquiète des limitations possibles quant à l’octroi de permis de forage : « En dehors de mon puits, quels sont les autres types d’eau que je peux utiliser à long terme ? ». 

+ Décryptage | Maraîchage: la formation sur le terrain, c’est essentiel

Le meilleur endroit pour stoker, c’est le sol

Alors ? Comment gérer son eau sur un maraîchage de petite surface  ? « La première chose à laquelle on pense pour faire face aux perturbations de notre climat, c’est le stockage, détaille Christophe Nothomb, conseiller en gestion de l’eau pour les exploitations agricoles, chez l’Eau permacoleCelui-ci peut être envisagé sous de multiples formes, avec l’utilisation de cuves, de citernes, de bassins, de mares, de poches ou encore via des puits. »

Pourtant, selon lui, le meilleur moyen de stocker de l’eau reste encore de se servir du sol. « Pour éviter d’être inondé, il faut ralentir l’eau, la répartir sur la plus grande surface possible et la filtrer, pointe le conseiller. Pour la sécheresse, c’est pareil. Le meilleur endroit de stockage, c’est le sol. Si on réussit à infiltrer l’eau dans le sol et qu’on a fait des réserves un petit peu à gauche et à droite, alors on souffrira moins en tant que producteur et maraîcher, mais aussi en tant qu’humain, de ces variations intersaisonnières. »

Plus simple à dire qu’à faire. « Ce dont manquent les maraîchères et maraîchers, ce sont les connaissances en gestion de l’eau, observe Christophe Nothomb. Ils suivent les conseils de leurs fournisseurs de matériel en irrigation. Sauf qu’en Belgique, les fournisseurs sont également vendeurs. C’est comme pour tout ce qui est fertilisant. Les conseillers en fertilisation vendent eux-mêmes les fertilisants », précise l’expert. Ces conseillers-vendeurs « cherchent donc à réagir à un problème en proposant leurs produits, et non à réfléchir en amont aux particularités des terrains et des activités de maraîchage », souligne-t-il.

En réalité, il faut regarder la chaîne de l’eau dans son entièreté et non pas envisager le stockage comme unique solution. « L’élément essentiel, par exemple en maraîchage agroforestier, c’est de mettre des arbres dans les interlignes, explique Christophe Nothomb. La végétation va avoir un effet d’infiltration, mais aussi un effet d’ombrage, et donc les quantités d’eau qui sont nécessaires seront réduites. »

+ Décryptage | Maraichage: S’outiller sans rouler des mécaniques, c’est possible

Paillage organique et humus

Autre solution prônée par Michaël Dossin, maraîcher : la rétention de l’eau grâce à la couverture du sol. Celui-ci  a fait le pari de mélanger les pratiques que sont l’utilisation de paillage organique et celle d’humus. Soit la couverture du sol par des matières organiques telles que de la paille, mais aussi du compost, des feuilles et autres afin d’éviter une trop grande évaporation. « Avec une telle couverture, on va avoir un bon drainage, donc l’eau excédentaire va pouvoir passer, et l’eau “nourricière” va pouvoir rester collée à la matière organique et sera donc plus facilement utilisable par les plantes », analyse Christophe Nothomb. 

Le système de Michaël Dossin semble concluant puisque, lors des inondations de 2021, ses parcelles de terre n’ont été que peu impactées. « Dans les Fagnes, il est tombé à peu près 250 à 300 millimètres en quelques jours, explique-t-il. C’est des quantités énormes, et on a pas perdu un gramme de terre tellement on a d’humus. C’est assez symbolique quand on voit les coulées de boue que ça a pu provoquer sur les champs conventionnels. »

En commençant son activité, le maraîcher a ainsi fait le choix d’une concentration d’humus maximale pour ses cultures hors serres. Ici, deux courants de pensée s’affrontent : « La Station d’analyse de la province de Liège considère que, dès les 6 % d’humus dans les sols, les quantités sont trop importantes et qu’il y a un risque d’engorgement, explique Michaël Dossin. Or, le maraîchage vivant, que je pratique, préconise un taux de 17 %. »  

Ce pourcentage élevé de matière organique permet, selon lui, une autofertilisation de ses sols. « Un gramme d’humus va pouvoir se charger de 15 à 20 fois son poids en eau, précise-t-il encore. Soit il va la relâcher très progressivement vers les nappes inférieures pour favoriser l’infiltration, soit il va se dégrader, nourrir les plantes et mettre des éléments nutritifs à leur disposition. »

Le saviez-vous? Vous consacrez 15% de votre budget mensuel à l’alimentation. Par ce biais, vous pouvez être acteur d’une transition alimentaire solidaire et respectueuse de l’environnement. Encore faut-il pouvoir en capter les multiples et complexes facettes. En ce sens, Tchak est une boîte à outils qui accompagne la prise de conscience. Un GPS pour comprendre les dessous des filières de l’alimentation.

Au sommaire de nos numéros, des enquêtes, des décryptages, des reportages sur un monde au coeur de la transition, de la société, de l’environnement, de l’économie et de la santé publique.

➡️  Rejoignez-nous, abonnez-vous ! Toutes les infos ici.