Après une année 2022 chamboulée, les affaires semblent reprendre dans le circuit court. C’est un des éléments qui ressort d’un tout premier sondage économique construit par le Collectif 5C, fédération qui rassemble une quarantaine de coopératives. Sur le terrain, celles-ci confirment ou nuancent.
Géry Brusselmans, journaliste
Même si ce n’est pas encore l’euphorie, certains voyants repassent au vert pour les coopératives alimentaires en circuit court ; un soulagement par rapport à 2022, année qualifiée de noire. Ce constat est tiré d’un sondage réalisé par le Collectif 5C[1] auprès de ses membres. « Au-delà des chiffres, une reprise semble peu à peu s’amorcer », confirme Marie Poulaert, chargée de mission.
Onze des douze coopératives interrogées au premier trimestre estiment ainsi que « leur chiffre d’affaires va augmenter en 2023 », et que « la fréquentation de leur magasin va augmenter en 2023 ». Sept coopératives sur les douze répondantes signalent « avoir vu l’apparition de nouveaux clients depuis juillet 2022 », alors que six d’entre elles annoncent que « leur clientèle semble stable ».
Intéressant : l’analyse méthodologique de ce premier sondage devrait, à l’avenir, permettre au Collectif 5C de publier un baromètre économique étoffé du secteur. En attendant, cette première photographie est validée par le terrain, en atteste notre tour de table.
+++ Ce décryptage est au sommaire du numéro 14 de Tchak (été 2023) .
Un panier moyen en hausse
Qu’elles soient des magasins à la ferme, des supermarchés coopératifs, des plateformes en ligne ou encore des distributeurs, de nombreuses coopératives de circuit court affirment que le panier moyen d’un acheteur a augmenté, depuis le début de l’année 2023.
« En 2022, les consommateurs avaient notamment acheté moins de viande et de poisson pour les remplacer par des protéines plus abordables. Nous n’avons jamais vendu autant d’œufs qu’en 2022 », assure Pia Monville, responsable de la coopérative Agricovert, qui dispose de deux magasins, un à Gembloux et un autre à Court-Saint-Étienne (Brabant wallon), lancé il y a un an et demi. « Depuis le début de l’année 2023, le panier moyen repart à la hausse. Il se situe entre 45 et 50 € à Gembloux, et à près de 30 € à Court-Saint-Étienne. »
La coopérative Paysans-Artisans, portée par 37 salariés, développe un réseau de commercialisation sur dix communes namuroises. Benoît Dave, codirecteur, observe également une augmentation du panier moyen depuis le mois de février dernier. « Entre février/mars 2023 et octobre/novembre 2022, l’augmentation des ventes est de l’ordre de 25%, autant grâce à la hausse du panier moyen que du nombre croissant de clients. »
La fidélité des coopérateurs
Mais comment expliquer cette reprise, après une année 2022 compliquée ? Certains n’ont pas encore d’explications à chaud, tandis que d’autres soulignent une évolution globale du contexte économique. « Je pense que le sentiment de peur des consommateurs est passé, estime Benoît Dave. Et puis, le salaire d’une bonne partie des gens a été indexé, certains ont reçu des notes de crédit pour leur facture d’énergie, etc. »
Toutes les personnes interrogées dans le cadre de cet article insistent sur la fidélité des clients, qui n’existe pas forcément en grande distribution. Les coopérateurs, dont une bonne partie est arrivée durant la crise sanitaire, ne sont pas forcément repartis en 2022.
« La réussite du modèle coopératif vient clairement de l’aspect participatif qui crée une vraie fidélité des acheteurs », estime Johan Van Hoye, fondateur de Oufticoop, un supermarché coopératif basé à Liège et porté par 420 coopérateurs.
« Les clients arrivés durant la crise sanitaire sont restés. Nous observons même une croissance continue. Notre chiffre d’affaires a augmenté de 15% entre les mois de janvier/février 2023, et la même période en 2022. Il y a un vrai engagement. Chaque coopérateur consacre en effet trois heures par mois au magasin. Il veut s’impliquer dans le projet, rencontrer des gens et créer du lien social. Nous les sensibilisons également durant nos assemblées générales, au cours desquelles nous essayons de faire comprendre la structure des coûts d’un supermarché, comment leur participation active entraîne un prix juste, etc. »
Si les coopératives n’entendent pas faire du prix un véritable argument de vente, sa stabilité durant l’année 2022 a probablement permis au secteur de se maintenir. Il faut dire que l’augmentation des coûts fixes a moins impacté les coopératives de circuit court que les acteurs de la grande distribution.
« Alors que j’entends qu’il y a des augmentations de 20% dans la grande distribution, nous sommes plutôt aux alentours de 5%, avec un maximum de 10% pour certains produits, détaille Pia Monville (Agricovert). De par notre engagement au niveau de l’environnement, nous réfléchissons depuis notre création à l’utilisation de l’énergie. Nous utilisons donc beaucoup moins de frigos que la grande distribution, nous ne laissons pas une enseigne lumineuse allumée durant la nuit. En 2022, notre coopérative a donc été beaucoup moins impactée par la hausse des prix de l’énergie qu’un commerce classique. Idem pour les producteurs. Vu qu’ils produisent de saison et localement, ils n’ont pas dû répercuter des hausses de coûts (énergie, transport) sur leurs prix de vente. »
[1] Collectif 5C : Collectif des coopératives citoyennes pour le circuit court. Il rassemble une quarantaine de coopératives en Wallonie et sur Bruxelles. www.collectif5C.be
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