Il y a du neuf dans le dossier de l’argent engrangé par les certificateurs bio. Invités par Willy Borsus (MR), ministre wallon de l’Agriculture, à rééquilibrer leurs gains au profit des acteurs du bio, Certisys n’a pas attendu sa proposition pour revoir ses comptes. Mais… pas dans le sens attendu. On vous replante le décor.
Yves Raisiere, journaliste
Le jackpot des certificateurs bio… C’est le titre qui barrait la une du numéro 13 de Tchak, au printemps 2023. Nous y dévoilions les bénéfices plantureux des opérateurs de la certification bio en Belgique et en Wallonie.
Quelques chiffres pour rappel : entre 2017 et 2021, Certisys a empoché 2,2 millions de bénéfices et reversé 2 millions de dividendes à son actionnaire. « Une véritable machine à cash », analysait alors pour nous un expert-comptable. Même volonté de vider le coffre aux trésors pour les deux autres certificateurs : TÜV NORD Integra a engrangé 729.000 € de bénéfices et en a reversé 785.000 à ses actionnaires ; Inscert Partner a capté 516.000 € de bénéfices, dont 410.000 ont servi à rémunérer ses actionnaires.
Des rémunérations à six ou à sept chiffres auxquels peu d’acteurs de la filière bio peuvent prétendre, écrivions-nous avant d’ajouter cette précision : ces dividendes se sont tous évaporés dans des multinationales étrangères. Pour Certisys, la Française Ecocert ; pour TUV Nord Integra, le géant allemand TUV Nord ; et, pour Inscert Partner, l’Américaine FoodChain ID.
Cerise sur le gâteau : tous ces certificateurs sont rémunérés par la Région wallonne, pour un budget de 168.000 € (2022).
+ Cette suite de notre dossier est publiée dans le numéro 15 de Tchak (automne 2023).
Encore mieux qu’en 2021
Ce qu’il y a de neuf depuis ? La publication de ce dossier a suscité une question écrite adressée par Hélène Ryckmans (Écolo) à Willy Borsus (MR), ministre wallon de l’Agriculture. C’était le 15 mai dernier. Extrait :
« […] Monsieur le Ministre avait-il connaissance de ces niveaux de bénéfices ? […] Si ces données se confirment, n’est-il pas pertinent d’agir pour diminuer le coût et la charge pour les producteurs, transformateurs et vendeurs ? »
Voici ce que Willy Borsus lui adressait en retour le 8 juin, après avoir passé en revue le dispositif d’encadrement des certificateurs bio, en ce compris la philosophie de l’arrêté du gouvernement wallon qui encadre les prix de la certification, la mécanique de facturation, les réductions dont peuvent bénéficier les plus petits opérateurs et l’importance d’avoir des contrôles de qualité pour les consommateurs.
« S’agissant des dividendes versés par l’organisme de contrôle Certisys à sa maison mère Ecocert, le montant avancé par la revue Tchak est en effet interpellant, convenait le ministre. S’il est vérifié, j’invite Certisys à revoir à la baisse ses facteurs de conversion euros/point, ce qui aura un effet bénéfique immédiat sur ses opérateurs, et diminuera les recettes globalement perçues. »
La « réponse » de Certisys [1] ? On l’a découverte en consultant les comptes annuels 2022 de l’opérateur, disponibles depuis la fin juin sur le site de la Banque Nationale de Belgique.
Cela donne ceci : en 2022, Certisys a réalisé 613.000 € de bénéfices, dont 600.000 ont été reversés à Ecocert, son actionnaire français (lire en pages 6, 8 et 20) . Bref, tout sauf une baisse. C’est même davantage que la moyenne des dividendes versés pour les deux années précédentes.
« Pourquoi pas un organisme au service des petits producteurs? »
Si cette décision – qui, c’est vrai, date de la fin mai, soit bien avant la prise de parole du ministre – risque de chagriner Willy Borsus, on comprendra qu’elle exaspère les petits acteurs du bio, toujours en plein doute quant à l’avenir de leur filière.
Un exemple : fin août, on discutait avec un éleveur bio ; ce dernier nous expliquait devoir vendre son lait pourtant à haute valeur ajoutée au prix du conventionnel, faute de clients. Plus absurde encore : au moment de la collecte, ce lait bio était mélangé à du lait provenant d’élevages conventionnels.
Dit autrement : cet agriculteur paye une certification bio pour rien. Au-delà de son engagement avant tout citoyen, un constat qui, selon lui, ne plaide pas en faveur du Plan bio 2030 du gouvernement wallon et ses 30 % de surface agricole réservée au bio.
Quoi qu’il en soit, ce dossier ne semble pas susciter beaucoup de questions au niveau de la Commission de l’Agriculture du Parlement de Wallonie. Par contre, du côté de nos lecteur·rice·s, quelques messages reçus, dont celui-ci.
« Je me suis pris au jeu de rêver à un organisme de certification citoyen, au service des petites structures et inscrit dans l’économie sociale, écrit François. L’idée est sans doute fantaisiste. La haute spécialisation et les ressources humaines nécessaires, le besoin de compétences administratives et juridiques, d’investissements conséquents et le risque associé suffisent probablement à condamner un tel projet citoyen. Je trouve néanmoins que la question mérite d’être posée. »
Voilà qui est fait.
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[1] Inscert Partner a, elle aussi, engrangé de fameux bénéfices en 2022 : 259.000 €, dont les 4/5 ont été reversés à FoodChain ID, son actionnaire américain.
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