Erosion des dols
La nouvelle réglementation sur la gestion des risques d’érosion, dont l’application devait être effective en 2025, a fait l’effet d’une bombe dans le monde agricole. © Philippe Lavandy.

Érosion des sols : des solutions existent, certaines agricultrices et agriculteurs y travaillent

Comment s’approprier la problématique de l’érosion des sols suite aux inondations et aux coulées de boue ? Chacun y va de sa petite leçon. Finalement, tout le monde en parle, mais qui sait vraiment comment il s’est formé, de quoi il est composé, et quels sont les impacts précis de telle ou telle pratique agricole. Même les agriculteur·ices n’en sont qu’au début des connaissances. Enfin, ça dépend lesquel·les.

Cet article a été publié dans le 19° numéro de Tchak (automne 24). Il a été primé par l’Association belge des journalistes agricoles. Vous allez pouvoir en lire 30% en accès libre. Notre objectif ? Vous faire découvrir l’intérêt que représente notre projet éditorial pour vous.

En fil conducteur de notre revue, une promesse: celle de répondre aux questions que vous vous posez sur votre alimentation, ceux et celles qui en sont à l’origine. D’un côté, le monde paysan et sa capacité à reconstruire des filières, de la solidarité, des territoires; de l’autre, celui des multinationales de l’industrie agroalimentaire, qui oeuvre au statu quo.

Frédérique Hupin, journaliste

C’était en mars 2023. Un courrier individuel arrive dans chaque ferme. Il dévoile un projet de réglementation sur la gestion des risques d’érosion des sols, dont l’application devait être effective deux ans plus tard. Il fait l’effet d’une bombe dans le monde agricole. Grâce à un code, l’agriculteur a accès à une carte où ses parcelles sont teintées de noir, de violet ou de rouge selon leur sensibilité à l’érosion, calculée par un modèle cartographique multicouches. Facteur de risque numéro un pour l’érosion : la pente d’une parcelle et sa longueur. Et si, sur ces parcelles sensibles à l’érosion, on implante une culture dite « sarclée » comme le maïs, la betterave, la pomme de terre ou la chicorée, le risque augmente et la réglementation demande de le maîtriser.

Les plantes sarclées, ce sont ces cultures qui sont semées au printemps dans de la terre bien affinée. Afin d’ôter les herbes indésirables qui poussent entre les lignes plus rapidement que la culture programmée, les agriculteurs avaient coutume de les couper avec un sarcloir, lors d’une opération dénommée sarclage, d’où le nom de plante sarclée. Aujourd’hui, les herbicides ou les bineuses réalisent ce travail. Si un orage tombe sur de tels couloirs de sol affinés et mis à nu, c’est la coulée de boue assurée si la terre est en pente.

Dans le monde agricole, cette nouvelle réglementation sur la gestion des risques d’érosion a suscité l’inquiétude et la colère. « Si on veut dégoûter les agriculteurs de faire de l’environnement, c’est comme cela qu’il faut procéder », s’indigne Benoît De Coene, agriculteur éleveur à Maransart (Lasnes). Et de s’expliquer…

« Toutes mes terres sont en pente, ce qui signifie qu’en l’état de la réglementation, je ne pourrais plus y cultiver de betteraves, de chicorées ou de pommes de terres, qui sont les cultures qui me permettent de rembourser les lourds emprunts que j’ai dû réaliser pour acheter les terres que je cultive. Je ne pourrais plus non plus y mettre de maïs, la principale nourriture de mes vaches. Il me reste les prairies et les céréales, mais on ne remplit pas son compte en banque avec une culture dont le prix de vente est complètement déconnecté de ses coûts de production. Seuls des spéculateurs ne savant même pas planter un radis s’en mettent plein les poches. »

érosion sols
Benoît De Coene, agriculteur et éleveur à Maransart (Lasnes) a transformé sa colère en action. Suite à la nouvelle règlementation, il participe à des groupes de discussion entre agriculteurs sur le sujet de l’érosion. © Philippe Lavandy.

Discuter de leur vrai métier

Ni une ni deux, Benoît De Coene transforme sa colère en action. Il veut anticiper la future réglementation. Il cherche des idées et des solutions, il participe à des groupes de discussion entre agriculteurs sur le sujet de l’érosion. Des moments riches en réflexions. Un premier tour de table leur permet de construire une définition de leur métier : « C’est de produire un maximum tout en préservant le potentiel de la terre, en respectant l’environnement et la biodiversité ».

Concernant l’érosion, plusieurs pistes sont évoquées : remplacer la herse rotative (qui émiette très finement la terre) par des outils de semis à disques, remplacer la charrue (qui désherbe en retournant le sol) par un déchaumeur, augmenter la matière organique grâce aux engrais de ferme (fumier), à l’incorporation de la paille dans le sol, à l’implantation de couverts végétaux multi-espèces, etc.

Benoît De Coene imagine même de semer son maïs comme une céréale, en rangs plus serrés afin de limiter l’accélération de l’eau dans la culture. Cette technique avait déjà été étudiée par un centre de recherche mais n’avait pas été diffusée car le rendement du maïs est alors moindre. Sauf qu’aujourd’hui, certains agriculteurs se l’accordent : « Nous sommes prêts à diminuer le rendement du maïs si cela permet de valoriser nos terres en pente ». De nombreuses recherches d’innovations agronomiques qui avaient été mises au placard faute de rendement suffisant peuvent être revues au regard des nouveaux objectifs de la protection des sols, patrimoine irremplaçable de la production agricole.

La suite de cet article décrypte comment certain·es agriculteurs et agricultrices tente de lutter contre l’érosion des sols. Un dossier à découvrir dans numéro 19 (automne 2024).