Champignon
Benoit Roche (Fungusto) © Philippe Lavandy

Champignons : les dessous de la filière parisienne

En Belgique, la culture de champignons décline. En cause, notamment, la concurrence internationale sur les agaricus bisporus (champignons de Paris), qui a fait chuter le nombre de champignonnières. Quelques producteurs tentent de résister en misant sur des espèces originales et une distribution plus locale. Un défi de taille à haut potentiel économique. 

Estelle Spoto, journaliste

« C’est une production qui s’est tellement industrialisée que se mêler de ce business-là à petite échelle n’a pas vraiment d’intérêt. Il faut se battre sur des prix qui sont dingues. »

Quand Benoît Roche, de Fungusto, s’est lancé dans les champignons bio, en 2014, il a vite compris que le champignon de Paris, l’agaricus bisporus, l’espèce la plus consommée en Europe et reine des supermarchés, ce n’était pas pour lui. « Avec le champignon de Paris, la gestion du substrat est particulièrement compliquée, détaille-t-il. Il est composé de fumier ou de fiente de poule, mélangé à de la paille et du gypse, tout cela fermenté deux fois. C’est un matériau assez lourd, amené par camion dans les champignonnières et déversé sur des étagères à l’aide de tapis roulants. »

En Belgique, la nécessité d’une mécanisation accrue de la production et la concurrence internationale pour les agaricus ont fait chuter le nombre de champignonnières. En 2001, on en comptait encore 136. En 2016, on n’en dénombrait plus que 33, avec une production totale de 28.000 tonnes, soit 3% de la production européenne. À titre de comparaison, la Chine, leader mondial, produisait 36 millions de tonnes en 2017.

« Aujourd’hui, il doit rester une vingtaine de producteurs, estime Suzy Vos, de l’entreprise familiale Vos Champignons, à Riemst, près de Tongres, qui écoule chaque mois 60 tonnes de champignons de Paris. Du temps de mon père, on produisait bien moins. Les technologies ont beaucoup évolué, mais ici on récolte toujours à la main, poursuit-elle. On subit la concurrence de la Pologne, où la main-d’œuvre coûte moins cher, et des Pays-Bas. Moi, tout ce que j’espère, c’est de pouvoir continuer à travailler jusqu’à l’âge de la pension. Dans l’entreprise, nous avons tous la cinquantaine et nous n’avons pas de repreneur. »

Même si certaines chaînes de supermarchés, comme Delhaize, se sont engagées à ne vendre en frais que des champignons belges, le tableau n’est pas spécialement réjouissant.

+++ Ce décryptage est au sommaire de notre numéro 11 (automne 2022).

Le pleurote, plus simple à produire

Avec cet horizon bouché, pas étonnant que Benoît Roche ait choisi de commencer par le pleurote. « C’est le champignon le plus simple à produire parce qu’il pousse bien sur la paille, un matériau disponible facilement, même en bio, souligne cet agronome de 36 ans installé à Gembloux, sur 300 mètres carrés. Cette paille, il faut la traiter pour faire disparaître les germes concurrents. Différentes techniques existent. On peut l’immerger pendant une heure dans de l’eau à 70 degrés, ce qui permet aussi de casser la cire de la paille, difficile à dégrader pour le champignon. Ensuite, on dispose la paille sur une table bien nettoyée, on attend que ça refroidisse et, à 35 degrés, on peut inoculer le mycélium. »

Benoit Roche © Philippe Lavandy

Au départ, Benoît Roche produisait 50 kilos de champignons par mois. Aujourd’hui, toujours seul à la barre, il culmine à 800 kilos. Il écoule sa production à une échelle très locale, directement via la coopérative Agricovert (pour un tiers), via la coopérative Paysans-Artisans (pour moitié), et dans quelques magasins et restaurants qu’il livre lui-même. Fungusto s’est aussi diversifié. Sur les étagères, les pleurotes – qui compte pour la moitié de la production – côtoient aujourd’hui des shiitakés (lentins du chêne ou lentins comestibles), champignons originaires d’Asie où ils sont très populaires ; des eryngii (pleurotes de panicaut) ; ou encore d’autres espèces moins connues du grand public. 

« Ceux-là ne poussent pas sur de la paille mais sur de la sciure », précise le producteur. Cette sciure doit elle aussi être stérilisée avec de la vapeur. « Après, on y ajoute un complément nourricier, à hauteur de 10-15%. Ça peut être du son de blé, des presses de fruit, de la pulpe de betterave que l’on peut récupérer en tant que sous-produits de l’agroalimentaire. »

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