Bio APAQ-W
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Apaq-W : une campagne pour promouvoir le bio, mais pas trop

Ce 23 septembre, c’est la journée européenne du bio ! L’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité (Apaq-W) lance sa campagne automnale bio, non sans quelques difficultés. Alors que le Gouvernement wallon y a injecté 270.000 €, la Fédération wallonne de l’agriculture se dit offensée par une communication «clivante», qui jetterait le discrédit sur tous les agriculteurs conventionnels.

Sang-Sang Wu, journaliste

Début septembre, la FWA (Fédération wallonne de l’agriculture) publiait, dans son journal hebdomadaire (Pleinchamp), un édito qui n’est pas passé inaperçu. Cet article dénonçait la volonté de certains agriculteurs « d’opposer bio et conventionnel comme s’il s’agissait de frères ennemis » et enjoignait les uns et les autres à parler d’une seule voix. Un positionnement assez peu étonnant de la part du syndicat majoritaire en Wallonie qui dit défendre tous les types d’agriculture (conventionnelle, bio, etc.). Pour lui, il serait stérile d’opposer les camps, tous faisant déjà de leur mieux. 

Il faut attendre la fin de l’édito pour comprendre que Nicolas Nelis, son auteur et secrétaire général de la FWA, fait référence à une campagne de communication de l’Apaq-W (Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité) sur le bio. Cette « agence publique de marketing » a reçu 270.000 € du Gouvernement wallon pour communiquer sur les valeurs et la plus-value sociétale, environnementale de l’agriculture biologique. Pour rappel, la Région wallonne s’est donné pour objectif d’atteindre 30% de la surface agricole utile cultivés selon les règles du bio d’ici 2030. 

Afin de préparer cette campagne de grande ampleur, le secteur bio a bien entendu été consulté. Et celui-ci s’est montré clair : la priorité est de vulgariser les points essentiels de la réglementation et donc expliquer aux citoyens ce qu’implique le respect du cahier des charges bio.

Pour la FWA, c’est la « consternation » : « Certains agriculteurs, dans le but de promouvoir la production biologique, ont décidé de proposer une communication particulièrement clivante. Le principe : des denrées alimentaires associés aux principaux arguments de vente du bio. Ce qui ne serait pas un problème en soi, si le message sous-entendu n’était pas que les autres modes de production ou cahiers des charges, eux, ne se souciaient ni de bien-être animal, ni de réduction d’utilisation de produit de protection des cultures », peut-on lire dans l’édito en question. 

Ne surtout pas opposer les mondes 

Cet extrait a été épinglé par l’Unab (Union nationale des agrobiologistes belges) qui dénonce une tentative de censure autour du bio. « Il semble que le sujet ait malheureusement fait débat, autour des mots à utiliser pour ne risquer de froisser personne : des phrases de type « en bio, pas de pesticide de synthèse », qui correspondent pourtant au cahier des charges, auraient été remises en question. Parler en bien du cahier des charges bio reviendrait en effet à parler en mal de l’agriculture conventionnelle… Comme si relever les qualités d’un de ses enfants équivalait à critiquer le second ? », a réagi son président, dans un article à retrouver en ligne.

En effet, comment promouvoir le bio sans évoquer ce que le label garantit ? Ce questionnement s’inscrit dans une réflexion plus large autour de la ligne de conduite de l’Apaq-W qui dit soutenir tous les agriculteurs de Wallonie sans distinction. Un positionnement qui n’est pas sans rappeler celui de la FWA, dont la présidente est aussi celle de l’agence publique. Dans une enquête consacrée à l’Apaq-W (n°7), nous questionnions la mainmise de la FWA au sein de la structure publique et relayions déjà le ras-le-bol de certains producteurs qui devaient financer des campagnes de communication généralistes et inutiles. « En termes de communication, le secteur bio marche constamment sur des œufs en évitant « d’opposer deux mondes », tout en payant volontairement les contrôles prouvant qu’il travaille de manière vertueuse. Mais ça ne suffit vraisemblablement plus. Il doit maintenant se taire », se désole l’Unab. 

+++ Enquête | APAQ-W: l’agence entre deux mondes

Le projet définitif de la campagne de l’Apaq-W a finalement été validé par le CA, sur base des propositions du secteur bio. Ce dernier se dit « satisfait » des messages retenus, même si le propos a clairement été dilué et le message édulcoré, pour faire en sorte de ne heurter aucune sensibilité dans le monde agricole. Ainsi, on ne dira pas « en bio, on préserve la biodiversité », mais bien « en bio, on préserve encore plus la biodiversité ». Comprenez : l’agriculture conventionnelle préserve déjà la biodiversité. Autre exemple : « en bio, pas de pesticide de synthèse » devient « en bio, il y a une obligation de ne pas utiliser de pesticide de synthèse ». Sous-entendu : en conventionnel, on n’en utilise pas (en excès), même s’il n’y a pas d’obligation.

Quelle sorte d’agence de marketing louvoie de la sorte, complique inutilement le message et choisit les tournures de phrases les moins percutantes ? On dirait bien que faute de grives, le secteur bio va, cet hiver encore, devoir se contenter de manger des merles.

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+++ Décryptage | Le jackpot des certificateurs bio