Début février, Carrefour a lancé sa plateforme « Mission Zéro Déchet ». Objectif : inviter les consommateur·ice·s à partager en ligne leurs pistes pour réduire l’empreinte écologique du groupe. « Toutes seront étudiées, promettait l’enseigne. Les trois solutions réunissant le plus de votes seront testées en magasin. »
Humeur | Yves Raisiere, journaliste – yrai@lavenir.net
C’est intelligent, cette « Mission Zéro Déchet » imaginée par Carrefour. D’une pierre deux coups en matière de com’ : elle positionne l’enseigne comme entreprise durable tout en la rapprochant de ses client·e·s.
Trois mois après son lancement, on connait enfin le résultat de l’opération. Les solutions plébiscitée par les clients de Carrefour – sont les suivantes:
- Supprimer l’emballage en plastique des fruits et légumes bio.
- Réduire les suremballages – Collecter les suremballages en magasin.
- Trouver des alternatives pour réduire les boîtes en plastique de la viennoiserie.
+++ Ce billet d'humeur a été publié dans notre numéro 5 (printemps 2021).
Rigolo : cette opération faisait suite à une « Mission Zéro Plastique » menée en… 2019. Celle-ci avait permis à Carrefour de dénicher, là encore, des solutions vraiment très créatives et très innovantes, que jamais les patrons de Carrefour n’auraient pu imaginer. Par exemple:
- Remplacer les plastiques des rayons fruits et légumes par des emballages en papier ou en carton.
- Bannir le conditionnement plastique des plats traiteur via un système de consigne.
Tiens oui, c’est vrai, vous avez raison: les résultats des deux « Missions » sont les mêmes, malgré un intervalle de plus d’un an. Peut-être un bug dans la matrice? Ou alors, un employé mécontent qui a saboté l’opération? A moins que Carrefour soit un peu lent à intégrer l’avis de ses clients ?
Des salariés classés selon certaines variétés
Cela dit, au-delà des résultats, d’autres « Missions zéro » n’ont pas eu autant de succès. Exemple avec la « Mission Zéro Feignasse » lancée fin janvier en interne par Carrefour (France).
Enfin, bon, vous l’aurez compris, ici, c’est moi qui lui ai donné ce nom-là. Mais il n’est pas si éloigné de la réalité que ça. Jugez plutôt : la direction voulait classer les salariés du groupe selon huit catégories : « insuffisant », « minimaliste », « diamant caché », « confort », « pro », « future star », « star » et « super-star ». Une méthode calquée, paraît-il, sur les meilleurs programmes d’évaluation anglo-saxons.
Étonnamment, cette « Mission Zéro Feignasse » n’a suscité aucun enthousiasme parmi le personnel et ses représentants. Pour être franc, ça a même été l’inverse : tous l’ont jugée « stigmatisante et dégradante », au point que la direction de Carrefour a dû se résoudre à abandonner le système.
Comment expliquer pareil échec ? Moi, je pense que la direction de Carrefour a péché par ambition. Après une année Covid où ses employé·e·s ont été en première ligne, ce n’était pas le bon moment. Surtout que leurs efforts ont payé : le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de quelque 75 milliards d’euros, « sa meilleure performance depuis au moins 20 ans ».
Cela dit, on se doute bien que cette mission renaîtra vite sous un autre nom !