Sixième témoignage récolté dans le cadre de notre projet Paroles de maraîchers et de maraîchères, celui de Serge Peereboom, sur les normes imposées par l’AFSCA (Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire) dans le maraîchage.
Claire Lengrand, journaliste | claire.lengrand@hotmail.fr
Depuis 1996, Serge Peereboom est maraîcher à la ferme Arc-en-Ciel à Wellin, une activité exercée en famille. Sur moins d’un hectare, cette dernière cultive des légumes en agroécologie proposés sous forme de paniers aux familles locales qui participent directement aux travaux du semis à la récolte.
A travers son témoignage, Serge dénonce les normes imposées par l’AFSCA (Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire) qu’il estime inadaptées aux pratiques agricoles des maraîchers et maraîchères bio sur petite surface.
« Les normes appliquées par l’AFSCA sont complètement inappropriées, affirme Serge Peereboom. L’un des objectifs affichés est de contrôler certaines maladies sur les plantes. Ce que je peux comprendre mais en agroécologie, un équilibre naturel se fait entre les dégâts occasionnés, les prédateurs et autres. Dans l’agriculture industrielle et ses monocultures, la moindre maladie peut provoquer des dommages extraordinaires.»
Bref, pour Serge Peereboom, AFSCA et maraîchers ne parlent pas la même langue, ce qui entraîne un conflit.
« Il s’agit de normes qui partent peut-être d’un bon principe mais auxquelles nous ne savons pas répondre puisque nous pratiquons une autre agriculture, humaine et en lien avec l’écologie. Le MAP (NDLR: Mouvement d’Action Paysanne) tente d’ailleurs de mettre en évidence la disproportion à l’œuvre entre ces deux types d’agriculture totalement opposées. »
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Maraîchage et AFSCA: des conséquences parfois lourdes
Pour illustrer son propos, Serge fait référence aux maraîchers de la « Ferme dans l’assiette » en province liégeoise qui ont récemment fait l’objet de contrôles de la part d’agents de l’AFSCA visant à évaluer le taux de pollution au cadmium, un métal lourd en lien avec le passé industriel de la région.
« Dans un sens, on pourrait se dire pourquoi pas s’il y a danger pour la santé. Mais pourquoi ce sont les maraîchers qui doivent payer pour cette pollution qui a eu lieu il y a des décennies ? On devrait se retourner contre les pollueurs. A la place, ce sont les derniers arrivés, c’est-à-dire les maraîchers, qui subissent les conséquences économiques. En réalité, l’AFSCA joue ici son rôle, ce sont les politiques derrière qui doivent prendre leurs responsabilités. »
Autre exemple mis en avant par le maraîcher : « Il y a une dizaine d’années, une maraîchère à Saint Bernard a dû arrêter sa production suite à des contrôles de l’AFSCA complètement inadéquats. On lui demandait, entres autres, un passeport phytosanitaire pour les stolons de ses fraisiers, qu’elle avait récupérés elle-même dans un sous-bois situé chez elle. »
« Le meilleur contrôle qui existe est de manger ce que l’on produit »
C’est notamment pour aller au devant des mesures restrictives dictées par l’AFSCA et afin de proposer un modèle d’évaluation axé sur la confiance qu’en 2015, la ferme Arc-en-Ciel adopte le Système Participatif de Garantie, un outil qui permet aux mangeurs et au producteur d’oeuvrer ensemble à l’amélioration des pratiques agricoles de la ferme.
« Le SPG est une façon de se réapproprier notre agriculture et notre alimentation entre producteurs et mangeurs, se réjouit Serge Peereboom. A travers ce système, on met en avant l’importance de montrer sa façon de cultiver et de travailler. C’est dans l’intérêt du producteur de savoir ce qu’il fait. Le meilleur contrôle qui existe est de manger ce que l’on produit. Ce que l’AFSCA ne comprend pas car sa logique est autre. Nous pourrions adopter des mesures appropriées à une petite paysannerie avec un danger limité. À la place, on écrase avec des règles strictes car dans l’agro-industrie, le risque est beaucoup plus important. »
Vous aussi, témoignez
Vous êtes maraîcher / maraîchère ? Avez-vous déjà reçu des contrôles de la part d’agents de l’AFSCA ? Avec notamment, à la clé, des sanctions financières ou l’arrêt de votre activité ? Selon vous, quelles mesures seraient davantage adaptées aux pratiques agricoles employées dans le maraîchage sur petite surface ? Avez-vous également opté pour le Système Participatif de Garantie ? Y songez-vous ?
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Ces témoignages serviront à construire des dossiers thématiques et à réaliser un documentaire. Paroles de maraîchers /maraîchères est un projet de Tchak! et de TDM – Télévision du monde.
Tag: Maraîchage et AFSCA, Maraîchage et Afsca