Avec Marcassou, les amateurs de cochonnailles peuvent se repaître « à l’aise », qu’elle dit la publicité ci-contre. Ils n’ont qu’à « savourer, l’esprit tranquille ». C’est vrai que ce serait bête de se faire de la bile à l’heure de l’apéro ! Surtout quand on jette son dévolu sur l’une des salaisons de la marque wallonne ornées d’un nouveau label : « Le cochon bien-être ».
Humeur | Clémence Dumont, journaliste
Du « cochon bien-être », ça sent la détente ça ! D’ailleurs, regardez celui-ci comme il est carrément bien ! Au grand air, prêt à se rouler dans la boue, choyé par son éleveur local. Et vous avez vu le logo du label ? Un porc qui sautille dans l’herbe, tout guilleret.
+++ Ce billet d'humeur est publié dans le numéro 10 de Tchak (été 2022).
Je suis d’accord. Voilà qui semble autrement plus alléchant que du cochon compressé dans un hangar, les pieds sur des caillebotis et le nez dans le cul de son voisin. Pour ma part, c’est bien clair : je ne veux plus en manger de cette viande-là. Du « cochon bien-être », en revanche ?
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Un cahier des charges agréé par la Région wallonne
Pas de chance pour Marcassou, sa promesse de béatitude porcine m’a titillée. Alors j’ai voulu vérifier quelles garanties offre le sémillant label qui a été lancé en 2021 sous son impulsion.
Au premier abord, des garanties sérieuses : la Région wallonne a agréé son cahier des charges en tant que système de qualité différenciée. Ce qui signifie que celui-ci se distingue sensiblement des méthodes de production standards et que son respect est contrôlé par un organisme certificateur externe.
Et qu’est-ce qu’il raconte, ce cahier des charges ?
- Que les porcs doivent être nés et élevés en Wallonie;
- que leur alimentation est exempte d’OGM;
- que des matériaux à manipuler sont mis à leur disposition pour éviter qu’ils ne se mordent mutuellement la queue faute d’autre activité (la pratique habituelle pour contrer ce signe de stress, qui est de… couper les queues, est découragée);
- que les antibiotiques sont interdits durant la phase d’engraissement
- que les mâles ne sont pas castrés et que, pour empêcher que ces verrats ne donnent une viande malodorante, ils sont nourris à l’aide d’un mélange conçu par Dumoulin, un fabricant d’aliments partenaire du label;
- que le jour de leur abattage, les animaux sont transportés sans instruments de coercition puis laissés au repos deux heures au lieu d’une seule.
Des cochons qui gambadent dehors ?
Mmmh, pas sûre que tout cela me donne « l’esprit tranquille », mais puisque c’est un progrès… Et ils gambadent parfois dehors, ces cochons, comme le montre la pub ? Ah non. Le cahier des charges prévoit juste que la surface réservée à chaque individu évolue de 35 cm² pour les porcelets à 1,1 m² pour les porcs de plus de 110 kg. Soit à peine 10% de plus que le minimum légal.
Y en a marre Marcassou ! Que le label « Le cochon bien-être » permette à des éleveurs coincés dans le système conventionnel d’offrir un quotidien un poil plus agréable à leurs bêtes en échange de prix fixes, tant mieux. Mais le bien-être animal mérite mieux qu’une publicité mensongère ! Les conditions de vie des porcs sont parmi les pires imposées aux animaux que nous consommons. Il est d’ailleurs indigne de parler de bien-être quand il n’est question que de réduction des souffrances.
En 2021, le Jury d’éthique publicitaire (JEP) avait déjà exigé le retrait d’un spot audiovisuel de Marcassou. Ce spot créait une impression générale allant « bien au-delà des améliorations spécifiques en matière de bien-être animal et d’environnement » revendiquées par le label promu, avait blâmé l’organe d’autorégulation.
En l’absence de plainte, le JEP ne se prononce pas sur l’affiche que Marcassou continue à diffuser… avec le soutien de l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité (Apaq-W).
Tout bénéfice pour… Sigma, multinationale mexicaine
Ben tiens ! Merci l’Apaq-W de valoriser ainsi nos produits locaux ! C’est tout bénef pour Sigma, la multinationale mexicaine qui détient Marcassou, aux côtés d’Aoste, Justin Bridou et une myriade d’autres marques, elle-même filiale du groupe Alfa, dont le portefeuille d’activités s’étend au plastique et aux hydrocarbures.
Oh, peut-être pèche-je par excès de sarcasmes : Alfa s’apprête à céder la branche belge de Sigma à Ter Beke, groupe agroalimentaire basé au plat pays (plus connu sous le nom Come a Casa, sa marque phare).
« Nous avons octroyé une subvention à l’ASBL qui porte le label, et pas à une entreprise commerciale. L’Apaq-W vérifie le bon usage des subventions a posteriori donc je ne peux pas encore me prononcer sur vos critiques », a réagi le directeur de l’agence, Philippe Mattart.
En attendant, tout est bon dans le cochon, surtout quand on y place du pognon !
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