On appelle ça l’agrivoltaïsme. Des panneaux solaires bourgeonnent un peu partout sur des territoires agricoles en France, en Italie, en Allemagne. Autant de pays qui voient l’opportunité de verdir leur « mix énergétique » à bas coût. Mais les conséquences sur le prix du foncier et la production alimentaire inquiètent des agriculteurs. En Wallonie, une circulaire cadenasse, pour l’instant, ce phénomène. Pour combien de temps ?
Cédric Vallet, journaliste
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Impossible de le louper. En roulant sur l’E411, au sud de Namur, la présence massive du champ de panneaux photovoltaïques attire les regards. Cette étendue de plus de 15.000 panneaux totalement opérationnels depuis octobre 2023 est, en Belgique, unique en son genre. Il s’agit de la première tentative significative « d’agrivoltaïsme », du nom de ces projets alliant agriculture et production d’énergie solaire.
Côté agricole, Ether Energy, le promoteur belge du projet, recense la présence de 200 moutons destinés à une consommation de viande locale, en circuit court, et annonce la production de trois tonnes de miel. Côté énergie, la start-up belge vante une production d’électricité verte équivalant à la consommation de 3.000 foyers.
Aux yeux des promoteurs du projet, un tel champ concilie transition énergétique et transition agricole, grâce à des élevages extensifs. Bref, avec l’agrivoltaïsme on aurait enfin trouvé la clé magique des enjeux planétaires, en mariant indépendance énergétique et production alimentaire locale.
Mais l’équation est loin d’être aussi simple. L’érection de milliers de panneaux solaires agricoles suscite la suspicion, voire l’hostilité d’une grande partie du monde agricole. Thomas Huyberechts du syndicat paysan FUGEA, craint que « les moutons servent d’alibi à la production d’énergie ».
Car les conséquences, mal maîtrisées, de ces projets agrivoltaïques, peuvent s’avérer problématiques. Les terres, rares et chères en Wallonie, seraient encore un peu plus détournées de leur vocation nourricière. Leur occupation par des panneaux, beaucoup plus rentables que des projets agricoles classiques, accroîtrait encore un peu plus les appétits de promoteurs. Ce qui ajouterait une énième pression sur le foncier wallon, déjà sous tension.
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Une baisse de productivité
Entre le maïs utilisé dans des unités de biométhanisation, les matières premières dédiées aux agrocarburants, comme le blé ou le colza, et même les cultures de sapins ou les chevaux, la concurrence est déjà présente pour l’accès à la terre. La pression est forte et pourtant, il faudra bien produire de la nourriture. Et probablement sur des surfaces plus étendues à mesure que l’on réduira les quantités d’intrants si on souhaite minimiser l’impact écologique des pratiques agricoles.
Alors est-il possible d’allier productivité agricole et panneaux solaires ? La question anime le monde agricole et les académiques. « L’agrivoltaïsme implique toujours de trouver des compromis entre la production énergétique et la production agricole », résume Frédéric Lebeau, professeur à Gembloux Agro-bio Tech de l’université de Liège, et spécialiste de l’agrivoltaïsme.
Une récente étude de Christian Dupraz de l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, en France, confirme ce que l’on pressentait : les panneaux produisent de l’ombre et diminuent la photosynthèse, à des degrés plus ou moins importants en fonction de leur densité de couverture du sol. Dit autrement : plus la densité de panneaux solaires est importante sur une surface, plus la productivité agricole baisse. L’expert évoque le cas de la production de végétaux, plus particulièrement de céréales.
Une autre étude récente de la KUL, consacrée au blé d’hiver, souligne que la production agricole est également plus ou moins affectée en fonction de la latitude du projet photovoltaïque. En revanche, l’agrivoltaïsme montre des résultats intéressants dans le sud de l’Europe, notamment pour protéger des plantations soumises au stress hydrique et aux canicules récurrentes. A l’inverse, les panneaux peuvent protéger de la grêle ou du gel, par exemple pour des vignobles ou des vergers.
En Belgique, il est, pour l’instant, moins pertinent de protéger les cultures du soleil et d’autres événements climatiques extrêmes, même si les dernières années montrent que le changement climatique est bien là. Les projets agrivoltaïques déposés sont donc essentiellement tournés vers l’élevage d’ovins sur de grandes prairies.
Cela dit, une autre raison bien plus prosaïque explique l’appétit des promoteurs pour des installations alliant élevage et panneaux. Et celle-là, elle est commune à tous les projets, en Belgique et ailleurs : les technologies « au sol » sont plus simples, moins coûteuses, plus rapides à installer et faciles à enlever.
Bien sûr, la prairie aussi peut souffrir d’un manque de soleil. Pour atténuer cet effet, le type de panneaux, leur capacité à bouger sur un axe, leur orientation, sont des éléments cruciaux. « Certains systèmes peuvent altérer la production agricole, d’autres peuvent la laisser identique ou même améliorer la productivité. En dédensifiant le système par exemple, on laisse la place à davantage de fourrage et donc d’animaux à l’hectare », estime Frédéric Lebeau.
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Dans ce dossier, nous donnons la parole à…
- Marianne Streel, présidente de la @FéFédération Wallonne de l’Agriculture – FWA ;
- Thomas Huyberechts, de la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (FUGEA) ;
- Frédéric Lebeau, professeur à Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège) et spécialiste de l’agrivoltaïsme ;
- Arnaud Collignon, chargé de mission chez Canopea ;
- Renaud Baiwir, à la Direction du développement rural du @Service public de Wallonie.be ;
- Alex Houtart, un des fondateurs d’ Ether Energy, opérateur agrivoltaïque;
- Héloïse Dubois, ingénieure agronome et consultante en environnement.
Nous avons également consulté :
- la circulaire de Willy Borsus ;
- le dernier rapport de l’Observatoire du foncier agricole wallon ;
- les études de la KUL et de l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (France);
- les arguments avancés par l’exécutif européen.
Bref, un tour de table assez complet, critique et très didactique.