Label bio
Le mode de production d’un aliment a plus d’impact sur l’environnement et le climat que son transport. © Adobe Stock

Le label bio, un attrape-bobos?

« Le bio, ça coûte cher. Et puis, il y a bio et bio… Mieux vaut acheter local ! » Les réflexions de ce genre sont devenues banales. Si elles ne sont pas complètement infondées, elles entretiennent la confusion sur la signification du label bio. Et ça, ça inquiète beaucoup les producteurs bio… locaux ! Clarifications.

Clémence Dumont, journaliste | Article publié en 2022 mis à jour le 30-05-2024

La nourriture bio serait-elle un effet de mode en déclin ? Fin 2023, pour la première fois, le nombre de fermes bio et la superficie bio sur le territoire wallon étaient en légère baisse par rapport à l’année précédente. « Les raisons sont multiples, mais la principale est la baisse des demandes pour les produits bio en 2022-2023 », selon Biowallonie.

D’un côté, les consommateurs ne semblent pas très sûrs de la plus-value de ce label, surtout quand leurs portefeuilles s’amincissent. De l’autre, les producteurs bio opèrent dans un marché de plus en plus concurrentiel, qu’ils ne sont plus assurés de voir croître.

Pourtant, la Wallonie a comme objectif d’étendre le bio à 30% de sa surface agricole à l’horizon 2030, contre 12,5% en 2023. Pour y parvenir, elle compte sur un triplement de la part de marché des produits bio. Impossible sans revigorer la confiance des citoyens à l’égard du label bio.

Alors justement, peut-on lui faire confiance, à ce label ? Et d’ailleurs, que garantit-il exactement ? De payer plus cher pour du vent ? Ou de soutenir un système de production vertueux ?

L’Eurofeuille est le label de l’agriculture biologique dans toute l’Union européenne.

Ce que le label bio garantit

Il n’existe pas de définition universelle de l’agriculture biologique. Dans l’Union européenne, toutes les denrées qui se revendiquent bio doivent avoir été produites conformément à des règles harmonisées au niveau européen ainsi qu’aux modalités d’application propres à chaque État ou, pour ce qui concerne la Belgique, chaque Région. Contrairement à d’autres dénominations, le terme bio est donc rigoureusement encadré. La plupart des consommateurs l’associent à l’absence de pesticides chimiques. À raison.

Toutefois, le label bio va bien plus loin. Il implique notamment l’interdiction des engrais de synthèse, une source de pollution et de gaz à effet de serre, et des OGM. La réglementation bio contient en outre des normes en matière de bien-être animal bien plus exigeantes que l’élevage conventionnel : parcours extérieur obligatoire, densités réduites, etc. Ces normes sont souvent plus strictes que celles d’autres labels qui revendiquent une réduction des souffrances animales (Cochon bien-être, Label rouge…). De plus, les animaux doivent eux-mêmes recevoir une alimentation bio.

Quant aux produits transformés, ils doivent contenir minimum 95% d’ingrédients bio. Seuls 50 additifs, quasi uniquement d’origine naturelle, sont autorisés (contre plus de 300 en conventionnel).

Enfin, l’utilisation du label bio suppose de se soumettre à des contrôles. En Belgique, il existe quatre organismes de contrôle officiels qui interviennent auprès de tous les acteurs de la chaîne (producteurs, transformateurs, distributeurs, points de vente).

Ce que le label bio ne garantit pas

Si le label bio correspond à un cahier des charges précis, celui-ci présente, comme tout cahier des charges, des limites. Ainsi, un plat transformé bio peut très bien s’avérer déséquilibré sur le plan nutritionnel, trop salé ou trop sucré par exemple. Le bio n’est pas non plus la garantie d’un commerce équitable : il ne dit rien de la rémunération des producteurs ni de leur main-d’œuvre.

À mesure que le bio se développe, apparaissent des exploitations qui respectent les règles à la lettre, tout en s’éloignant de leur esprit : des poulaillers de taille industrielle, des serres chauffées, des grandes parcelles non diversifiées travaillées à l’aide de machines énergivores, etc.

De plus, les fermes ne sont pas obligées de se convertir entièrement au bio. Elles peuvent continuer à cultiver ou élever de manière conventionnelle, à condition que les plantes et animaux concernés ne soient pas les mêmes que ceux qu’elles commercialisent en bio.

Les contrôles, quoi que sérieux, ne suffisent pas à exclure complètement les fraudes, d’autant plus quand s’allongent les étapes entre la ferme et l’assiette. Cependant, la méfiance se justifie surtout pour les denrées lointaines issues de pays où la vérification du respect des standards européens est notoirement déficiente, comme l’Inde ou la Chine[1].

Et le local alors ?

« Le label bio n’est pas la panacée, à plein de niveaux, reconnaît Thomas Schmit, chargé de mission du Collège des producteurs. Certains traitements naturels autorisés en bio, comme le cuivre, causent des dégâts environnementaux. Mais ce que je voudrais souligner, c’est que le bio se base quand même sur des valeurs qui sont traduites dans des normes techniques et qu’il offre une alternative crédible à l’agriculture conventionnelle. Comme il rassemble beaucoup d’acteurs, il représente un contre-pouvoir politique important. De plus, il cherche encore à s’améliorer. Au niveau européen, le projet RELACS, par exemple, finance des recherches pour remplacer les intrants les plus problématiques. »

Tout de même, n’est-il pas plus cohérent de privilégier le local au bio importé ? À cette question, il n’y a pas de réponse univoque. Rappelons toutefois que les cultures de patates intensives ou les cochons compressés sur caillebotis sont des spécialités « locales ». Et que, en moyenne, le mode de production des aliments pèse plus lourd que leur transport dans leur empreinte carbone[2].

Certes, les producteurs bio n’ont pas l’exclusivité du meilleur de l’agriculture. Certaines fermes ne suivent pas toute la réglementation bio tout en allant plus loin sur certains points, comme la conservation des sols. D’autres suivent un chemin de transition ambitieux qui demande du temps. Et puis un petit nombre évitent de payer le label bien qu’elles en respectent les critères parce qu’elles ont noué une relation de confiance en direct avec les consommateurs.

« Mais pour ceux qui s’approvisionnent dans les grandes surfaces, on peut affirmer que, globalement, les produits non bio sont en deçà des exigences du bio et qu’ils respectent moins l’environnement. À titre personnel, je dirais que le mieux est de manger bio et local. Il n’y a pas d’opposition entre les deux », conclut Thomas Schmit.


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[1]       Voir Chr. Brusset, Les imposteurs du bio, Paris, Flammarion, 2020.

[2]       Voir C. Barbier et al., « L’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France », Club Ingénierie Prospective Énergie et Environnement, 2019, https://www.iddri.org/sites/default/files/PDF/Publications/Hors%20catalogue%20Iddri/Empreinte-Carbone_Alimentation_France_VF_0.pdf.


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